Le feu de la Terre prisonnier des glaces !
En 1452, une énorme éruption explosive de type phréatomagmatique (faisant intervenir des interactions entre magma et eaux souterraines) détruisit l’île de Kuwae (actuelle République du Vanuatu, anciennement Nouvelles-Hébrides, Océanie), en créant un vaste cratère sous-marin de 12 km x 6 km.
D’après une estimation du volume de ce dernier, on évalue que ce sont de l’ordre de 30 à 60 km3 de magma qui furent éjectés sous forme de coulées pyroclastiques [1]Mélange de blocs et/ou cendres et de gaz à haute température, pouvant dépasser les 500 °C. et de retombées de scories ou autres cendres volcaniques.
Des traces de cette éruption cataclysmique se retrouvent aux pôles, dans des carottes de glace prélevées au sein des calottes glaciaires (inlandsis) à la fois du Groenland et de l’Antarctique. Il s’agit de dépôts d’aérosols d’acide sulfurique produits lors du dégazage lié à l’éruption (essentiellement par émission de gaz volcaniques soufrés, en l’occurrence du dioxyde de soufre).
Les auteurs (des chercheurs anglais et américains) ont pour but de déterminer l’impact de ce type de volcanisme explosif sur l’évolution du climat. Ils s’attachent en particulier ici à démontrer, à l’aide des concentrations en éléments volatils tels que le soufre, le chlore et le fluor mesurées sur le matériel volcanique lui-même, que les gaz sulfurés furent émis en quantités suffisantes jusque dans la stratosphère [2]Couche de l’atmosphère terrestre située entre 10 et 30 km d’altitude. pour entraîner des perturbations météorologiques sévères et durables. Des récits historiques relatant en particulier la froideur des étés durant les années 1453 à 1457 ainsi que l’apparition de phénomènes d’effet d’optique atmosphérique inhabituels, viennent confirmer cette hypothèse.
Ce type d’étude prouve ainsi que les éruptions majeures ont potentiellement un impact climatique important dès lors qu’elles atteignent l’ensemble de la planète par voie stratosphérique, les glaces des pôles ou d’autres glaciers étant susceptibles, comme il apparaît ici, de littéralement « fossiliser » de tels évènements.
NB : D’autres études sur l’impact climatique du volcanisme sont actuellement réalisées par des chercheurs du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement de Grenoble (LGGE) qui, notamment, ont publié dans la revue Science les résultats d’une étude en Antarctique concernant des traces d’éruptions stratosphériques récentes[3]Baronie M. et al. (2007). Mass-independent sulfur isotopic compositions in stratospheric volcanic eruptions. Science, 315(5808), 84-87..
Notes de bas de page
↑1 | Mélange de blocs et/ou cendres et de gaz à haute température, pouvant dépasser les 500 °C. |
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↑2 | Couche de l’atmosphère terrestre située entre 10 et 30 km d’altitude. |
↑3 | Baronie M. et al. (2007). Mass-independent sulfur isotopic compositions in stratospheric volcanic eruptions. Science, 315(5808), 84-87. |