Les déchets plastiques n’épargnent pas l’océan Arctique
Le fulmar boréal (Fulmarus glacialis), fait partie de la famille des Procellaridés, dans laquelle se retrouvent d’autres oiseaux tels que les prions et les pétrels. Cette famille a la particularité de posséder une glande de dessalage qui leur permet de boire de l’eau de mer, l’excès de sel étant rejeté au niveau des narines.
Cet oiseau pélagique (qui évolue en haute mer) et grégaire (qui vit en groupe), se nourrit de toutes sortes de petits animaux marins parmi lesquels on trouve poissons, crustacés, céphalopodes et méduses. Très vorace, il ingurgite d’autres formes flottantes à la surface de l’océan, parmi lesquelles les déchets plastiques, sans doute par confusion avec les méduses.
L’aire de distribution du fulmar boréal comprend une vaste partie de l’hémisphère nord et s’étend jusqu’au Groenland, au Canada arctique et au Spitzberg. La France constitue la limite sud de son aire de répartition septentrionale ; les populations les plus nordiques sont migratrices.
Des scientifiques de la Fédération Canadienne de la Faune (FCF) ont mené une étude évaluant l’accumulation biologique de matières plastiques sur une centaine d’individus adultes d’une colonie de l’Ile Devon, Nunavut (Canada), dans une région relativement épargnée par la pollution industrielle. Ces populations hivernent dans le nord de l’océan Atlantique, et migrent au printemps par le détroit de Davis, deux régions où ils peuvent ingérer des débris plastiques.
Il a été retrouvé au total 236 morceaux de matière plastique stockés dans leur proventricule [1]Chez la plupart des oiseaux, l’estomac est divisé en deux parties : le proventricule et le gésier. La digestion commence dans le proventricule où sont sécrétés les sucs gastriques permettant la digestion chimique. Les aliments passent ensuite dans le gésier, à paroi épaisse et musculaire, pour être broyés. Ce dernier sert aussi de filtre en isolant les éléments non digestibles des particules digestibles qui progressent vers l’aval grâce à ses contractions. Extrait de La digestion : vue d’ensemble. (estomac glandulaire) et leur gésier (estomac musculaire). Parmi ces détritus, seulement 2% sont des plastiques industriels, le reste étant constitué de plastiques à usage domestique. Les chercheurs ont identifié des plastiques souples (de type caoutchouc), des fragments de lignes et de filets de pêche, des parties d’emballage de snack-food, des capuchons de bouteille, et des sparadraps, les autres fragments rigides provenant souvent de boîtes en plastique. Les pièces sont généralement petites, de 1 cm en moyenne.
Parmi les 31 % d’oiseaux contaminés, l’oiseau qui détient le triste record avait 54 fragments plastiques dans son tube digestif !
Les oiseaux présentent des débris de plus grande taille au début de la saison de reproduction. Ceci laisse supposer qu’ils arrivent avec des déchets récemment ingérés, et que ces derniers sont fractionnés en plus petits morceaux dans leur système digestif, comme cela a pu être démontré également sur le pétrel (Procellaria aequinoctialis). Si les oiseaux accumulent la plupart des déchets durant leur hivernage ou leur migration, ils en ingèrent assez peu durant leur séjour sur l’Ile Devon.
La proportion des fulmars contaminés est relativement moins élevée ici que dans le nord du Pacifique, la mer du Nord ou l’Atlantique Nord, où elle atteint 79% à 100% des individus. Malgré une faible incidence, le nombre d’oiseaux contaminés augmente régulièrement depuis ces trente dernières années dans le haut Arctique.
Dans cette partie du monde relativement indemne de pollution, les débris plastiques sont néanmoins acheminés sur de longues distances par les courants marins et par le transport biologique des oiseaux. Les écosystèmes de l’Arctique ne sont donc pas à l’abri de la généralisation de ce type de pollution dans les océans, dont le phénomène du trash vortex dans l’océan Pacifique (voir encadré) en est l’exemple le plus spectaculaire.
Le trash vortex ou « tourbillon d’ordures » est une illustration paroxysmique de la pollution marine. Il désigne un phénomène de pollution à grande échelle lié à la présence de déchets dérivants et d’un courant marin giratoire appelé grand vortex du Pacifique nord (North Pacific Gyre) qui les concentre dans une zone géographique située entre l’île d’Hawaï et la Californie. Ces déchets flottants, sous l’effet de différents facteurs du milieu tels que le sel, les ultraviolets, et les mouvements de l’eau, se fragmentent et se répartissent dans une zone où l’eau en sera saturée, constituant ainsi une véritable « soupe plastique ». |
Notes de bas de page
↑1 | Chez la plupart des oiseaux, l’estomac est divisé en deux parties : le proventricule et le gésier. La digestion commence dans le proventricule où sont sécrétés les sucs gastriques permettant la digestion chimique. Les aliments passent ensuite dans le gésier, à paroi épaisse et musculaire, pour être broyés. Ce dernier sert aussi de filtre en isolant les éléments non digestibles des particules digestibles qui progressent vers l’aval grâce à ses contractions. Extrait de La digestion : vue d’ensemble. |
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