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ISSN : 2755-3755

Inuits et cancers : un constat surprenant

Les types de cancers chez les autochtones des régions circumpolaires étaient historiquement liés à des prédispositions génétiques et à certains comportements traditionnels. Ils ont progressivement évolué au cours de la seconde moitié du XXe siècle.

Des auteurs danois ont rassemblé les connaissances actuelles sur l’épidémiologie des cancers dans la population inuite, en mettant l’accent sur certaines tumeurs pour lesquelles ils ont constaté une fréquence assez inhabituelle.

Si au début du XIXe siècle les cancers étaient absents des observations rapportées, des pathologies tumorales particulières émergent dans ces populations dès le début du XXe siècle, liées à l’allongement de la vie. Depuis quelques décennies, d’autres cancers surgissent, en relation avec l’occidentalisation de leur façon de vivre.

Kulusuk, Est du Groenland

Kulusuk, Est du Groenland
Source : ezioman
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Dans les populations vieillissantes, des cancers tels que ceux du nasopharynx et des glandes salivaires sont apparus. Habituellement liés au virus d’Epstein-Barr, ils ont une répartition géographique singulière. Très rares dans le monde, ils sont surtout observés en Chine du Sud, en Asie du Sud et en Afrique du Nord dans des communautés se nourrissant d’aliments fortement salés, fumés ou pimentés. Les Inuits, eux aussi, constituent une population à risque par l’ingestion d’aliments conservés dans le sel qui augmenterait l’exposition chronique à des substances cancérigènes appelées nitrosamines.
Le cancer de l’œsophage bien que fortement lié à l’association tabac-alcool a des origines inhabituelles chez les inuits, la tendance de son augmentation ne suivant pas celle du cancer du poumon. D’autres facteurs sont alors soupçonnés tels qu’une faible consommation de fruits et légumes, combinée à une nourriture à teneur élevée en nitrosamines.

Durant la seconde moitié du XXe siècle, les sociétés inuites ont subi de profonds changements dans leurs conditions de vie (Voir le dossier : Des hommes victimes de « l’occidentalisation » des modes de vie : le modèle des Inuits) et certains cancers ont vu leur incidence augmenter de façon notoire : poumon, sein, colon. Le tabagisme et les changements alimentaires sont au centre de ces transformations.

Le cancer du poumon chez les Inuits représente 20% de tous les cancers, et est désormais le plus fréquent. Son incidence chez les femmes inuites est probablement la plus élevée du monde. En plus du tabac, un effet possible du radon, émis par le sol et les roches du Groenland, a été évoqué. Cependant, si ce gaz peut augmenter le risque de ce type de tumeur localement, sa contribution serait faible de façon globale.

Le cancer du sein était rare chez les femmes inuites jusqu’aux dernières décennies. Son incidence approche maintenant celle enregistrée parmi les populations blanches d’Amérique du Nord. Le diagnostic s’est-il amélioré ? Parmi les facteurs de risque, on sait aussi que le nombre de naissances a progressivement diminué, que l’âge moyen de la première grossesse a augmenté ; on remarque aussi une augmentation de l’obésité et du diabète. Les facteurs de protection connus comme la durée d’allaitement et l’alimentation traditionnelle à base de poissons riches en acides gras s’amenuisent.

Un autre type de cancer, le cancer du colon, serait favorisé par une nourriture trop riche en graisses, en protéines animales et en sucre raffiné. Ces agents sont ainsi mis en cause depuis une trentaine d’années, au même titre que la sédentarité.

Une autre spécificité chez les Inuits : la persistance d’une faible fréquence de cancers de la vessie, de la prostate et du système hématopoïétique (c’est-à-dire de leucémies et de lymphomes). Considérant que le tabagisme est le facteur de risque le plus important pour le cancer de la vessie, il est surprenant de ne pas constater son augmentation chez ces populations où la consommation de tabac est très importante. L’absence d’industries chimiques, le rôle protecteur potentiel de la vitamine A – retrouvée dans la nourriture traditionnelle – sont des agents qui pourraient expliquer alors les fréquences faibles de ces cancers dans les régions circumpolaires.

Les Inuits, de par leur adaptation ancestrale aux conditions de vie extrêmes et compte tenu du bouleversement récent et rapide de leurs habitudes alimentaires et culturelles, constituent une population unique. Cette synthèse contribue à l’inventaire des facteurs de risque et de protection de certains cancers.

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