Des palmiers dans l’Arctique
Des pollens d’Arecipites microreticulates appartenant à la famille des palmiers (Arecaceae ou Palmae) viennent d’être identifiés par une équipe internationale de chercheurs, dans une carotte de sédiments prélevée dans l’océan Arctique, sur la dorsale de Lomonosov (voir carte).
Le forage, réalisé dans le cadre du programme de forage en mer IODP (Integrated Ocean Drilling Program), traverse des sédiments marins qui caractérisent le maximum thermique 2 de l’Eocène appelé ETM2 (voir encadré).
La quantité importante de composants d’origine continentale retrouvée dans ces sédiments indique que le site du forage correspondait il y a 50 millions d’années à une zone proche des terres émergées. L’étude des dinoflagellés (organismes phytoplanctoniques des eaux marines ou saumâtres tempérées et chaudes) retrouvés dans les niveaux de l’ETM2 décèle des espèces tolérantes à une faible salinité des eaux de surface, ainsi que des conditions riches en éléments nutritifs. Les chercheurs en ont conclu que les eaux de surface de l’océan Arctique étaient alors significativement propices à une eutrophisation (accumulation de matière carbonée, azotée et/ou phosphatée dans une eau stagnante, entraînant une prolifération végétale) ainsi qu’à un enrichissement en eau douce, probablement explicable par une augmentation des précipitations atmosphériques et par l’apport important des rivières se déversant dans l’océan.
La présence de pollens de palmiers au cours de l’ETM2 dans cette partie de l’océan Arctique atteste d’un certain réchauffement climatique. En effet, les chercheurs ont estimé que ces palmiers ne pouvaient pas survivre si la moyenne des températures des mois les plus froids était inférieure à 8~°C. Il est à noter que c’est la première fois que des pollens de palmiers sont signalés à d’aussi hautes latitudes.
Cette découverte contredit de ce fait les modélisations paléoclimatiques réalisées jusqu’à présent sur l’ETM2, car celles-ci prévoyaient une moyenne des températures des mois les plus froids en dessous de 0~°C, bien plus froid que les 8~°C nécessaires à la survie des palmiers. Les chercheurs proposent une hypothèse assez surprenante pour expliquer ce décalage. Ils suggérent que de nouveaux types de nuages seraient apparus en Arctique pendant le réchauffement de l’ETM2. Ils auraient piégé davantage de chaleur et accéléré ainsi le réchauffement, un peu à la manière d’une couverture.
La compréhension de ces phénomènes du passé est primordiale dans le contexte actuel où les températures dans l’Arctique ne cessent d’augmenter. Elle pourrait nous faire entrevoir ce que le climat de la planète nous réserve.
Phase de réchauffement climatique qualifiée « d’hyperthermique », au sein d’une tendance climatique déjà marquée par un réchauffement. Celui-ci s’est produit il y a 53,5 millions d’années, à l’Eocène inférieur, certainement induit par une augmentation brutale de la concentration en dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Les chercheurs ont montré que la température de l’eau de surface de l’océan Arctique s’est accrue de 3 à 5~°C au cours de l’ETM2. |