Botulisme en Arctique
Le botulisme [1]Cette maladie neurologique grave est due le plus souvent à l’ingestion de neurotoxines botuliques. dans les régions arctiques et subarctiques est essentiellement dû à des souches de Clostridium botulinum productrices de la toxine E. En effet, ces souches de type E sont aptes à se multiplier à basse température et sont présentes dans la chair des poissons et des mammifères marins.
Les premiers explorateurs de ces contrées froides avaient observé des cas d’intoxications alimentaires soudaines et dévastatrices parmi les indigènes. Ainsi, en 1914, Stefansson[2]Vilhjalmur Stefansson était un explorateur canadien.
Source Wikipédia : http://en.wikipedia.org/wiki/Vilhjalmur_Stefansson. , lors de son expédition vers le delta du fleuve Mackenzie (Territoires du Nord, Canada), rapportait dans son journal « Ma vie avec les Eskimos » le décès brutal de huit personnes survenu après consommation de chair crue de baleine blanche.
Plus tard, des ethnographes ont décrit des pratiques de préparation et de conservation de la nourriture pouvant induire les conditions suffisantes au déclenchement d’une intoxication botulique. L’«igunaq» est une méthode inuite de préparation de la viande de mammifère ou de la chair de poisson. Elle consiste à placer cette nourriture dans des sacs en peau de phoque («puurtaq») qui sont ensuite recousus et déposés dans un trou peu profond creusé dans le sol, tapissé de gazon. Les viandes rapportées l’été par les chasseurs et les pêcheurs se décomposent et fermentent ainsi durant l’automne et l’hiver, prêtes à la consommation pour l’année suivante. Cependant, le processus de fermentation n’a pas toujours lieu car ces aliments contiennent peu de carbohydrates. Il se produit alors plutôt une putréfaction et le pH reste supérieur à 5, insuffisament acide pour détruire le Clostridium botulinum. Les têtes et les œufs de saumon, les queues de castor et les nageoires de phoque préparés ainsi sont considérés comme des mets délicats. Ils seraient cependant plus appréciés par les personnes âgées que par la jeune génération !
Afin de mieux cerner les facteurs associés au déclenchement des flambées de botulisme, des chercheurs américains se sont intéressés aux cas avérés survenus entre 1947 et 2007 en Alaska parmi les peuples des Premières nations. 159 « épidémies » ont été identifiées concernant 317 patients, 61% étant des femmes.
Jusque dans les années 1960, où l’on a observé une incidence annuelle moyenne de « seulement » 0,8 cas pour 100~000 autochtones, cette intoxication alimentaire était relativement rare. Le nombre de cas s’est ensuite élevé progressivement jusqu’à atteindre, en 1994, 12 cas pour 100~000. En 2007, il était redescendu à six cas pour 100~000.
Les individus touchés étaient majoritairement des personnes âgées de plus de 60 ans. Le taux de mortalité atteignait 57,1 % au début de l’étude, valeur qui a fortement diminué à partir des années 1980, grâce à l’instauration d’un traitement par antitoxine botulique et à la mise en place de pratiques de réanimations intensives.
Les auteurs avancent des explications pour ces disparités : à partir des années 1970, les aliments traditionnels se prêtant à l’ « igunaq » ont été de plus en plus fréquemment préparés dans des contenants « modernes », tels des sacs en plastiques, des pots de verre ou des bidons métalliques scellés et mis à fermenter à température ambiante. La présence d’un milieu anaérobie, la chaleur et l’humidité favorisent alors la germination des spores de Clostridium botulinum et la secrétion de toxine. La diminution de l’incidence du botulisme amorcée par la suite et se poursuivant jusqu’en 2007 pourrait être attribuée à la faible attirance des plus jeunes pour ce type d’aliments.
Plutôt que de décourager la pratique de la consommation des nourritures traditionnelles, qui apportent des nutriments intéressants (vitamines, oligo-éléments, acides gras oméga-3), les autorités sanitaires, par le biais des CDC (Centers for Disease Control and Prevention), ont privilégié une campagne de sensibilisation, principalement orientée vers les principaux consommateurs de ces denrées, c’est-à-dire les femmes et les personnes âgées.
Cette campagne comprenait une bande vidéo laissant la parole à des médecins locaux et à des survivants du botulisme. Le message véhiculé mettait l’accent sur le risque élevé présenté par les méthodes « modernes » de préparation des aliments traditionnels. Il préconisait également de faire bouillir les produits fermentés 10 minutes avant la dégustation afin de détruire la toxine. Malheureusement cette campagne n’a pas eu l’effet escompté : un an après sa distribution, seuls 38% des destinataires concernés avaient visionné la cassette, et aucune modification des comportements alimentaires n’a été observée. L’ébullition recommandée, en modifiant le goût des aliments, n’est peut-être pas étrangère à cette désaffection !
Notes de bas de page
↑1 | Cette maladie neurologique grave est due le plus souvent à l’ingestion de neurotoxines botuliques. |
---|---|
↑2 | Vilhjalmur Stefansson était un explorateur canadien.
Source Wikipédia : http://en.wikipedia.org/wiki/Vilhjalmur_Stefansson. |