Recherches Arctiques

Actualités de la recherche scientifique
ISSN : 2755-3755

Des caribous radioactifs ?

La viande de caribou fait partie de l'alimentation traditionnelle des habitants du Nord canadien. La teneur en césium radioactif de cet animal peut-elle présenter un danger pour la santé ?

L’isotope 137 du Césium (Cs 137) [1]Pour en savoir plus sur le Césium 137, voir le site co-réalisé par le CNRS : la radioactivité.com. est un composé qui ne se trouve pas à l’état naturel. Sa présence dans l’environnement est due à l’utilisation du nucléaire par l’homme (voir encadré). Sa période radioactive, également appelée demi-vie, correspond au temps nécessaire (trente ans) pour qu’il perde la moitié de sa radioactivité par désintégration naturelle.

Une de ses particularités est de se concentrer et de persister dans les champignons, les mousses et les lichens, bien plus que dans les végétaux supérieurs. Or, les caribous (appelés rennes en Eurasie) consomment en abondance des lichens, seule nourriture disponible pendant les longs mois d’hiver. C’est ainsi que le césium 137 se retrouve dans les tissus et notamment dans les muscles de ces animaux dont la viande est appréciée des populations de l’Arctique.

Caribou - Canada

Caribou – Canada
Photo : Eric Bégin
Certains droits réservés – Licence Creative Commons

Des scientifiques canadiens ont rassemblé des résultats d’études effectuées entre 1958 et 2000. Celles-ci portaient sur les teneurs en Cs 137 de 1~200 échantillons de tissus musculaires prélevés sur des caribous dans le Nord canadien, l’Alaska et le Groenland.

Ils ont notamment mis en évidence une forte variation saisonnière qui s’explique aisément : l’alimentation de ces cervidés durant la période hivernale est composée, quasi-exclusivement, de lichens et est remplacée dès le printemps par la consommation de jeunes pousses et de jeunes feuilles qui, rappelons-le, ne retiennent pratiquement pas le césium radioactif. Ainsi, on a pu observer des concentrations cinq fois plus importantes au mois de février qu’au mois de septembre, au cours de la même année.

Les chercheurs ont constaté des concentrations de Cs 137 relativement élevées dans les années 1960, période au cours de laquelle beaucoup d’essais nucléaires ont été effectués de par le monde. Ces concentrations ont baissé graduellement jusqu’à devenir très basses autour de l’année 2000. Il y a eu cependant une hausse transitoire, d’environ 20%, en 1986 après l’accident de Tchernobyl, le 26 avril 1986. A titre indicatif, dans les années 1960, les concentrations de Cs 137 se situaient autour de 2~000 à 3~000 Bq/kg (Bq : abréviation de Becquerel, unité de mesure de la radioactivité) dans les muscles des caribous. Elles ont ensuite décliné jusqu’à atteindre 200 à 300 Bq/kg dans les années 1990, et donc en dessous des limites admises par les autorités sanitaires internationales. Pour information, le code alimentaire international édité par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé les limites de contamination des aliments par le césium 137 à 1~000 Bq/kg [2]Informations mises en ligne par le CRIIRAD. .

Pour les auteurs, la consommation de viande de caribou dans la zone étudiée ne présenterait aujourd’hui aucun danger, si les niveaux de radioactivité artificielle restent très bas et continuent à diminuer selon la tendance actuelle. Cependant, ces chiffres sont à comparer avec les 50~000 à 60~000 Bq/kg relevés sur des rennes en Scandinavie après l’accident de Tchernobyl.

De plus, d’un point de vue sanitaire, et contrairement à ce qu’on peut observer pour les poissons et les mammifères marins, les rennes ne sont pas contaminés par les polluants chimiques type pesticides ou polychlorobiphényles, puisque ces substances ne font pas partie de la chaîne alimentaire lichen-caribou-humain.

La radioactivité et les régions polaires

Considérées à tort comme étant encore vierges de toute pollution car préservées d’importants développements industriels en raison des conditions climatiques extrêmes, les région polaires ne sont pas épargnées par les contaminations radioactives.

Radioactivité

Radioactivité

Tout d’abord, comme partout sur terre, elles sont soumises à la radioactivité naturelle, d’origine cosmique ou terrestre, qui varie alors selon le sol et les roches.
S’y ajoute la radioactivité artificielle ou anthropique : les polluants, y compris les substances radioactives, peuvent être transportés sur de grandes distances par les courants marins ou aériens. Arrivés au niveau des zones polaires, le froid fait descendre ces derniers dans les couches basses de l’atmosphère. Certains de ces contaminants peuvent persister très longtemps, des mois voire des années, d’autant plus qu’ils sont capables de s’accumuler dans certains végétaux et certains animaux.
Les sources de radioactivité artificielle retrouvées dans ces régions sont diverses :
– les retombées des essais d’armements nucléaires. Beaucoup de tests ont eu lieu au cours des années 1950 et au début des années 1960. En 1980, la Chine a été le dernier pays à faire exploser une bombe atomique dans l’atmosphère. En 1996, toutes les principales puissances ont signé un traité bannissant les essais d’armes atomiques sur la planète et dans l’espace.
– les rejets des centrales nucléaires, des usines de retraitement, des centres de recherches et des installations militaires via les fleuves et les courants marins.
– les retombées atmosphériques des accidents de centrales nucléaires (Winscale, Grande-Bretagne, 1957, Three Mile Island, 1979, Etats-Unis, et surtout Tchernobyl, Ukraine, le 26 avril 1986)
– les rebuts des navires à propulsion nucléaire, notamment les sous-marins et les brise-glaces russes dans la région de Mourmansk.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Pour en savoir plus sur le Césium 137, voir le site co-réalisé par le CNRS : la radioactivité.com.
2 Informations mises en ligne par le CRIIRAD.
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