Intolérance au lactose chez les Samis et les non-Samis en Norvège
En Europe du Nord, la consommation quotidienne de lait et de produits laitiers est une habitude courante. La persistance à l’âge adulte de la lactase, une enzyme digestive qui permet à la majorité de la population d’assimiler ce type d’aliments contenant du lactose, atteint plus de 90% parmi les Européens du Nord et les Nord-Américains. Inversement, l’intolérance au lactose est répandue en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie, où plus de 50% de la population présente une hypolactasie, c’est-à-dire un déficit en lactase, à l’âge adulte. Cette proportion atteint presque 100% dans certaines régions d’Asie. Parmi les populations indigènes d’Amérique du Nord, de Sibérie et du Groenland, la prévalence de l’intolérance au lactose dépasse les 60% et peut être proche de 100% dans certaines tribus. Les symptômes les plus fréquents caractérisant une intolérance au lactose sont des douleurs gastro-intestinales, de la diarrhée, des ballonnements et de la flatulence.
Les Samis constituent un peuple autochtone habitant une zone qui recouvre le nord de la Suède, de la Norvège et de la Finlande ainsi que la péninsule de Kola en Russie. Les moyens traditionnels de subsistance, encore pratiqués aujourd’hui, tels que l’élevage des rennes, souvent associé à un peu de pêche et d’agriculture, forment l’ossature économique des communautés samies. La nourriture traditionnelle samie était caractérisée, avant l’arrivée des produits importés, par une consommation élevée de poissons gras et de viande rouge (essentiellement du renne) accompagnés parfois de quelques baies sauvages, et par un faible apport de légumes, de fruits et de céréales.
En ce qui concerne la consommation de lait, la littérature ethnographique nous apprend que l’élevage de rennes en vue de production de « lait de renne » s’est développé assez tard (au 18ème siècle) et n’a pas concerné la péninsule de Kola. Globalement le lait (de renne, de chèvre ou de vache) a été assez peu consommé avant la période moderne (le lait de vache a fait son apparition chez les Samis il y a approximativement 170 à 200 ans).
La présente étude, qui s’inscrit dans le cadre de l’enquête Saminor [1]Etude menée de 2002 à 2004 comparant la santé et les conditions de vie des Samis et des non-Samis dans le nord de la Norvège., a été menée par des scientifiques norvégiens dans le but de comparer les symptômes abdominaux ressentis par les Samis et les non-Samis résidant dans le Mit-Norge et le Nord-Norge (les régions les plus septentrionales de la Norvège) après ingestion de produits laitiers. Les données ont été recueillies à partir de questionnaires concernant 15 546 individus âgés de 36 à 79 ans et répartis en trois groupes :
-Les Samis (33,4%), appartenant à l’ethnie samie ou parlant la langue same
-Les Kvènes (7,3%), descendants d’immigrants venus de Suède et de Finlande et parlant le kvène, une langue proche du finnois
-Les Norvégiens (57,2%), sans affiliation samie ou kvène.
Les questions posées par les scientifiques à la population ont porté sur les symptômes (localisation, intensité, durée) ressentis après consommation de produits laitiers, ainsi que sur la fréquence et la nature (lait écrémé, lait demi-écrémé, yaourts, fromages…) de cette consommation. Les résultats montrent que les Samis et les Kvènes rapportent une prévalence de troubles tels que douleurs à l’estomac et flatulences plus élevée que les Norvégiens, la proportion la plus forte se trouvant chez les femmes samies. La consommation de lait et de produits laitiers est répandue chez tous les groupes ethniques, cependant c’est parmi les Samis que l’on trouve le plus grand nombre de personnes qui n’en absorbent jamais, ou rarement. Et très logiquement, les individus qui se plaignent de douleurs après ingestion de produits laitiers en consomment moins que ceux qui ne ressentent pas de symptômes.
Au vu de ces résultats, les professionnels de santé doivent avoir à l’esprit que des douleurs gastro-intestinales rapportées par des Samis peuvent être dues à une mauvaise digestion de produits laitiers.
Cette étude confirme aussi que l’intolérance au lactose est moins fréquente chez les populations qui possèdent une longue tradition d’élevage d’animaux pour la production laitière. Il a été suggéré que la capacité de garder la lactase à l’âge adulte représente un exemple d’adaptation génétique liée à ces pratiques culturelles.
Notes de bas de page
↑1 | Etude menée de 2002 à 2004 comparant la santé et les conditions de vie des Samis et des non-Samis dans le nord de la Norvège. |
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