L’internationalisation de la question autochtone en Arctique
L’internationalisme des peuples autochtones, à travers des actions transnationales, la diplomatie internationale, le militantisme de revendications culturelles identitaires et l’activisme pour une approche globale mais anti-mondialisation, n’est pas un phénomène nouveau, en Arctique comme ailleurs. Il a émergé il y a plus d’une trentaine d’années, à un moment où les peuples indigènes avaient besoin du soutien des organisations internationales pour obtenir des droits au sein de leurs propres Etats. Cette reconnaissance tardive des droits culturels et sociaux a entraîné quelquefois une plus grande autonomie ainsi qu’une meilleure insertion au sein des Etats-Nations.
Mais avec les politiques néolibérales mises en œuvre, les Etats ont aussi parfois su profiter de cette autonomie accordée aux peuples natifs, pour se déresponsabiliser de leurs obligations légales en matière d’infrastructure de santé, d’éducation, de communications et de développement économique.
Dans ce contexte, Natalia Loukacheva, chercheur à l’université de Toronto, envisage de plus près les expériences des Inuits du Nunavut canadien et du Groenland danois.
Historiquement, leur reconnaissance a permis à des organisations de plus en plus nombreuses d’obtenir pour leurs communautés de nouveaux statuts légaux et juridiques au sein de chaque Etat. Elle a facilité en outre la coopération au-delà des frontières nationales, et favorisé le partage des idées et des échanges culturels entre des populations ayant un même socle culturel mais politiquement séparées.
En fonction des politiques nationales respectives, des partenariats et des relations tissées de part et d’autre, il y a plus ou moins de possibilités de représentation directe sur le plan international. Mais la participation à des réseaux transnationaux (tels que le Conseil Inuit Circumpolaire) sur ce que les peuples traditionnels considèrent comme leur patrie, créerait un nouvel enjeu au niveau de la gouvernance de ces groupes. L’objectif serait pour les uns de faire reconnaître de nouvelles aspirations politiques et légales, et de voir, pour les Etats, comment elles servent leurs propres intérêts.
Dans leurs dialogues respectifs avec les institutions nationales de gouvernement, le problème serait donc aujourd’hui, pour les organisations et mouvements indigènes de faire admettre leurs droits à l’autodétermination et leurs activités en tant qu’acteurs internationaux.
Il s’agirait peut-être d’obtenir de nouveaux statuts qui ne soient plus étroitement réduits aux strictes limites de l’Etat-Nation.
L’argument habituellement invoqué par les organisations inuites sur la domination coloniale ne semble plus suffisant toutefois pour arriver à une justification juridique d’activités transnationales qui alourdissent de surcroît le fardeau financier des mesures étatiques pro-indigènes et peuvent aller à l’encontre des priorités économiques et géopolitiques des gouvernements. Néanmoins, la reconnaissance en 2008 des Groenlandais par le Danemark en tant que peuple, implique une autodétermination et ouvre plusieurs options entre la libre association, l’intégration ou une existence indépendante de la tutelle danoise, qui seront décidées dans un futur proche par les habitants de la région arctique.
Si on compare cette avancée par rapport au Canada, l’autonomie des Inuits du Nunavut paraît bien moindre. Mais cela fournit un prétexte à ces derniers pour faire davantage pression en vue d’un engagement au niveau international et sur la politique étrangère concernant la législation sur l’Arctique, et ce d’autant plus qu’ils ont déjà obtenu un accord sur le partage des bénéfices tirés des ressources naturelles avec le gouvernement fédéral. S’il ne s’agit pour autant de lancer un défi à la souveraineté de l’Etat canadien, cela peut inciter à renégocier un nouveau partenariat pour la protection et la promotion des cultures, des traditions et des connaissances autochtones.