C’est de façon rocambolesque que commence la découverte de ce petit mammouth femelle qui pèse 65 kg, pour une taille de 85 cm et une longueur de 130 cm.

Il a été découvert en mai 2007 par un gardien de rennes du peuple des Nénètses vivant dans le nord-ouest de la Sibérie. Le bébé mammouth gisait au bord du fleuve Yuribei, dans la péninsule de Yamal (voir carte).
Le temps de prévenir les autorités compétentes, le corps avait disparu, perdu peut-être à tout jamais pour la science. C’est un peu par hasard et avec beaucoup de chance que le bébé mammouth fut retrouvé dans la ville de Novyï-Port située à plusieurs kilomètres du lieu de sa découverte, calé contre le mur d’un magasin et entouré de badauds.

Il avait été emporté là puis vendu à un commerçant de la ville. Heureusement la police locale, alertée, a pu remettre le petit animal à des scientifiques.
Le bébé fut baptisé Lyuba du prénom de la femme de son découvreur.
Les premières analyses scientifiques révélèrent qu’il appartenait au genre mammuthus.

Mammouth laineux
Crédit photo: National Museum Cardiff
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Le mammouth laineux serait apparu en Sibérie il y a 600~000 ans. Pour rappel, les mammouths sont des mammifères éteints de la famille des éléphantidés.
Les derniers représentants ont disparu il y a 3~700 ans environ sur l’île de Wrangel située au nord de la Sibérie. Tous présentaient une morphologie naine adaptative pour accroître leur chance de survie dans un environnement où les ressources alimentaires étaient restreintes.

Le débat sur les causes de l’extinction de cette espèce est loin d’être clos au sein de la communauté scientifique. En effet, certains chercheurs pensent que ce sont les changements climatiques intervenus lors de la fin de la dernière période glaciaire, il y a près de 11~000 ans, qui ont sonné le glas des mammouths, en modifiant progressivement leurs ressources alimentaires.

Ils cherchaient leur nourriture dans de vastes prairies arides. Celle-ci était constituée essentiellement de plantes herbacées et de petits arbustes.
Le réchauffement climatique intervenu il y a 11~000 ans entraîna une modification de la végétation. L’ancien habitat des mammouths aurait disparu à 90 %, ce qui pourrait expliquer la disparition du pachyderme.

D’autres chercheurs pensent que c’est l’impact de la chasse des premiers hommes qui aurait été déterminant. Enfin, certains pensent que c’est l’effet conjugué du changement de la végétation et de la prédation accrue des premiers hommes qui aurait scellé la disparition des mammouths.

Pour revenir à Lyuba, son état de conservation est tel que l’on dirait qu’elle va se réveiller d’un instant à l’autre. Jamais on n’avait trouvé de mammouth aussi bien conservé. Il ne manque que ses ongles, un bout de sa queue et de son oreille droite ainsi que la plupart de ses poils. Pourtant, la datation au carbone~14 de quelques échantillons de tissu établit qu’elle serait morte il y a environ 40~000 ans. Les scientifiques ont aussi examiné le corps à l’aide d’un scanner, ce qui a pu apporter des éléments de réponse sur les circonstances qui ont entraîné sa mort. Cet examen a révélé qu’un sédiment compact constitué d’argile et de sable obstrue l’extrémité de sa trompe, sa gorge, la bouche et la trachée. Les scientifiques en ont conclu que Lyuba se serait étouffée dans de la boue. Elle aurait glissé sur la berge de la rivière et se serait enfoncée dans la boue d’où elle n’aurait jamais pu s’extirper. On peut imaginer que sa mère n’ait rien pu faire pour la sauver malgré ses cris de détresse.

La vase argileuse humide l’aurait alors engloutie tout en créant un milieu propice à sa remarquable conservation, ce milieu très pauvre en oxygène ne convenant pas aux microorganismes qui dégradent les tissus. De surcroît, des microorganismes spécifiques à ce milieu auraient libéré de l’acide lactique qui aurait agi comme un conservateur naturel.

Avec l’intensification du froid, ce sol meuble se serait transformé en pergélisol. Le corps de Lyuba se serait alors déshydraté, perdant ainsi la moitié de son poids.

Péninsule de Yamal, Sibérie

C’est ainsi que Lyuba aurait pu parvenir jusqu’à nous, 40 000 ans plus tard, dans cet état de remarquable conservation. En 2006, une crue du fleuve Yuribei emporte le corps et son carcan d’argile gelé et le dépose sur un banc de sable, l’acide lactique qui imprègne le corps décourage les charognards jusqu’à sa découverte.

L’examen des prémolaires et des défenses a permis aux scientifiques de déterminer que Lyuba n’avait qu’un mois lors de sa mort prématurée à la fin du printemps, qu’elle était en bonne santé et bien nourrie avant son accident.
Le contenu de son intestin atteste que Lyuba avait ingéré les fèces d’un mammouth adulte, très probablement ceux de sa mère et ce, pour coloniser son intestin de microorganismes indispensables à la digestion des débris végétaux ingérés. Ce phénomène est également observé chez les éléphanteaux actuels, cousins des mammouths.

La mort prématurée de ce petit mammouth peut paraître tragique, mais son corps exhumé du pergélisol apporte aux scientifiques une connaissance accrue sur ces pachydermes ainsi que sur leur environnement d’il y a 40~000 ans. Lyuba commence tout juste à livrer ses secrets. Les avancées de la science pourront sans doute décrypter bien d’autres renseignements et, qui sait, permettre un jour son clonage.