Recherches Arctiques

Actualités de la recherche scientifique
ISSN : 2755-3755

Psychopathologie et facteurs culturels de résilience chez des adolescents samis de Norvège arctique

Publié le 17.06.2011
Traumatismes hérités des générations précédentes, perte de référents culturels, vécus d'oppression, ont été mis en relation avec les problèmes de santé mentale rencontrés par les adolescents indigènes d'Arctique.

La culture, comme ensemble de ressources à la disposition de la personne pour faire face à l’adversité, remplirait une fonction protectrice. On parle à ce sujet de résilience culturelle.

La recherche présentée dans cet article se propose de vérifier cette hypothèse sur le caractère protecteur ou non, sur le plan psychologique, des processus par lesquels l’individu s’enracine dans ses traditions, développant une identité culturelle, processus dits d’enculturation. [1]Voir aussi : Passé colonial et santé publique. chez les peuples autochtones des régions arctiques, regroupant des liens vers des articles de notre site apportant divers éclairages autour de ce thème.

De janvier 2003 à janvier 2005, l’Enquête sur la santé des adolescents de la Norvège arctique (Norwegian Arctic Adolescent Health Study – NAAHS) s’est déroulée auprès de jeunes âgés pour la plupart de 15 à 16 ans, dans les trois comtés norvégiens les plus au nord – les comtés de Finnmark, de Troms et de Nordland (les auteurs de l’étude n’examineront ici que le cas des adolescents samis). Différents questionnaires ont été distribués, afin de tenter de mettre en relation troubles mentaux et enculturation.

Famille Samie en habits traditionnels

Famille Samie en habits traditionnels
Photo: Mortsan
Certains droits réservés – Licence Creative Commons

La psychopathologie a été déclinée en :
– symptômes internalisés (symptômes dépressifs et/ou anxieux) ;
– symptômes externalisés (hyperactivité, troubles des conduites).

Les éléments d’enculturation envisagés ont été les suivants :
– le contexte ethnique : selon que la communauté est à dominante samie ou norvégienne ;
– la connaissance de la langue same ;
– la fierté ethnique (ethnic pride) ;
– la participation aux activités traditionnelles.

Le rôle d’un facteur plus général de résilience, l’efficacité personnelle[2]Capacité à atteindre les objectifs que l’on s’est fixés., a également été envisagé.

D’une façon globale, les résultats ont montré une relation significative, quoique modérée, entre facteurs d’enculturation (notamment la participation aux activités culturelles et la connaissance de la langue same) et santé mentale (moins de symptômes psychiatriques). L’efficacité personnelle s’est révélée constituer, de façon indépendante, un facteur de protection.

Enfin, on a relevé des différences selon le sexe, quant à l’impact plus ou moins grand de chaque facteur d’enculturation sur les symptômes internalisés d’une part, externalisés d’autre part. Ainsi, par exemple, une fierté ethnique importante est associée à des symptômes externalisés plus marqués chez les filles, alors qu’elle semble avoir une fonction protectrice vis-à-vis de ces mêmes problèmes, chez les garçons. Différentes interprétations peuvent être données de ce dernier résultat, faisant intervenir :
– la question de la discrimination (la fierté ethnique peut agir comme facteur de risque psychopathologique lorsque le groupe d’appartenance est en butte aux discriminations. Mais, dans ce cas, pourquoi est-ce un facteur de risque pour les filles, de protection pour les garçons ?) ;
– les pratiques parentales : la recherche a établi que les parents, dans les sociétés autochtones, tendaient en général à insister sur la fierté ethnique pour la socialisation des filles, mais sur la conduite à adopter pour faire face au racisme pour celles des garçons.

Les résultats mettent donc avant tout en évidence la grande complexité de la question : les facteurs culturels ne devraient pas être envisagés de façon isolée, mais être systématiquement pris en compte dans l’étude de processus plus généraux. Néanmoins, plusieurs facteurs d’enculturation ont été identifiés dans cette étude, susceptibles de remplir une fonction protectrice contre des problèmes émotionnels ou de comportement. De nombreuses recherches restent encore à mener, afin de développer une pratique clinique prenant en compte le facteur culturel.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Voir aussi : Passé colonial et santé publique. chez les peuples autochtones des régions arctiques, regroupant des liens vers des articles de notre site apportant divers éclairages autour de ce thème.
2 Capacité à atteindre les objectifs que l’on s’est fixés.
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