Recherches Arctiques

Actualités de la recherche scientifique
ISSN : 2755-3755

Record mondial de distance parcourue pour un poids plume

Une étude récente révèle que la sterne arctique détrône le puffin, précédent champion dans la catégorie «Migration la plus longue».

Les résultats de cette étude confirment que, malgré sa petite taille, la sterne arctique, (Sterna paradisaea), est capable de parcourir plus de 80~000 kilomètres lors de sa migration annuelle d’un pôle à l’autre, soit le plus long déplacement connu de tout le règne animal.

Une équipe de biologistes a suivi les mouvements migratoires de deux colonies arctiques du Groenland et d’Islande. Les scientifiques ont établi une cartographie de leur déplacement en équipant les oiseaux d’appareils de géolocalisation en juin et juillet 2007. Cet équipement miniaturisé de 1,4 gramme attaché à la patte des sternes a été conçu spécifiquement pour cet oiseau dont le poids n’excède pas 125 grammes. Il a permis de préciser les différentes caractéristiques de leur migration c’est-à-dire leurs routes, haltes et aires d’hivernage.

Ces données récupérées après recapture des oiseaux migrateurs ont réservé bien des surprises aux scientifiques…

Récit de voyage

Carte simplifiée de la migration de la sterne arctique

Carte simplifiée de la migration de la sterne arctique
Crédit photo : Arctic tern migration project

Au début de l’automne, après la saison de la reproduction, tous les oiseaux étudiés ont migré vers l’hémisphère sud pour s’installer dans leurs « quartiers d’hiver », durant l’été austral (de décembre à mars). Mais, premier fait inédit, les oiseaux ont interrompu leur course pour faire une halte migratoire d’une vingtaine de jours dans une zone qualifiée de hotspot biologique [1]En écologie, les points chauds ou hotspots de biodiversité sont des sites naturels à diversité biologique exceptionnelle faisant l’objet de protection, ou des régions à fort taux d’endémisme., située dans la partie est du bassin de Terre-Neuve, à l’ouest de la dorsale médio-atlantique où les eaux sont très profondes et riches en nutriments.

Ils ont ensuite repris leur migration vers le sud en longeant la côte nord-ouest de l’Afrique. Au large des îles du Cap-Vert, les scientifiques ont encore été surpris de constater qu’une moitié des migrateurs traversait l’océan Atlantique d’est en ouest pour longer les côtes de l’Amérique du Sud, tandis que l’autre moitié poursuivait son itinéraire en longeant les côtes africaines vers le sud.

En avril, après avoir passé l’hiver en Antarctique, les oiseaux ont effectué leur long voyage de retour en direction de leur zone de reproduction. Fait intéressant, ils ont emprunté une route de type sigmoïdale (en S), différente de celle de l’aller, en exploitant les systèmes de vents dominants [2]Les systèmes de vents dominants sont dirigés vers l’est dans l’hémisphère sud, et vers l’ouest dans l’hémisphère nord. pour limiter leurs dépenses énergétiques.

Un exploit inégalé

L’efficacité de leur vol de retour de l’Antarctique au sud du Groenland est remarquable, car cette distance de 24~000 km a été couverte en seulement 40 jours, soit une distance moyenne parcourue de 520 km/jour.
En comparaison, le vol aller vers le sud avait été deux fois plus long (80 jours depuis l’Islande, et 93 jours depuis le Groenland), alors que la distance à parcourir n’était que de 34~600 km, soit une distance moyenne de 370 à 430 km/jour.

Sterne arctique

Sterne arctique
Crédit photo : Gavan Watson
Certains droits réservés : Licence Creative Commons

La sterne migrerait donc sur une distance pouvant aller, selon les individus, de 60~000 à 80~000 km, soit le plus long trajet jamais enregistré électroniquement. En considérant l’espérance de vie moyenne de trente ans de cet animal, les chercheurs commentent cet exploit en précisant qu’une sterne peut parcourir dans sa vie 2,4 millions de km, soit l’équivalent de trois voyages aller-retour vers la Lune !

Pourquoi voyager si loin ?

Les sternes présentent donc cette particularité d’avoir une aire de reproduction circumpolaire, aux plus hautes latitudes de l’hémisphère nord, alors que leur zone d’hivernage se situe dans l’hémisphère opposé, en Antarctique. Cette migration leur permet de profiter de deux étés en un an et de se nourrir toute l’année.

Ainsi, à la fin de l’été boréal arctique, lorsque les conditions deviennent défavorables (baisse des températures, manque de nourriture), elles quittent leur région de reproduction et vont migrer vers des zones alimentaires plus riches. Or, les zones d’hivernage, situées dans l’océan Austral, comprennent les eaux très productives de la mer de Weddell riches en krill (Euphausia superba), qui constitue la proie favorite de nombreux oiseaux marins.

Et demain ?

Cette étude montre l’hétérogénéité des voies migratoires à l’intérieur d’une population. Elle confirme par ailleurs que la principale région d’hivernage pour la sterne arctique est la zone marginale des glaces d’hiver de l’océan Austral.

Aussi, les changements que pourrait connaître à long terme la banquise d’hiver, associés à la diminution de l’abondance du krill antarctique dans cette région, devront faire l’objet d’une attention toute particulière pour cette espèce.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 En écologie, les points chauds ou hotspots de biodiversité sont des sites naturels à diversité biologique exceptionnelle faisant l’objet de protection, ou des régions à fort taux d’endémisme.
2 Les systèmes de vents dominants sont dirigés vers l’est dans l’hémisphère sud, et vers l’ouest dans l’hémisphère nord.
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