Recherches Arctiques

Actualités de la recherche scientifique
ISSN : 2755-3755

Un habitat ancestral en Arctique: la maison en os de baleine

Les ancêtres des Inuits passaient l'hiver dans des habitations en os de baleine. Aujourd'hui, les archéologues s'interrogent sur l'éventuelle portée symbolique de l'emploi d'une ressource aussi insolite.

Des ruines de villages thuléens ont été découvertes en Alaska, au Canada, au Groenland et en Sibérie orientale. Les Thuléens sont les ancêtres directs des Inuits. Leur nom vient de Thulé, une localité au nord-ouest du Groenland, où des traces de ce peuple ont été découvertes. Il y a environ mille ans, ils sont partis d’Alaska pour s’établir dans tout le grand nord américain et au-delà.

Vestige de maison thuléenne, Nunavut

Vestige de maison thuléenne, Nunavut. Le sol était recouvert de dalles, la charpente était en os de baleine.
Crédit photo : Baine
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La chasse à la baleine est l’une de leurs principales activités. Ce mammifère marin, pouvant atteindre 20 mètres de long et peser près de 100 tonnes, leur permet de se nourrir, de se chauffer, de s’éclairer, de fabriquer des outils, mais aussi de construire leurs habitations d’hiver.

En effet, semi-nomades, les Thuléens se déplacent en fonction des saisons. A la saison froide, ils vivent dans des habitations construites sur la côte. Ils les quittent au printemps, lorsque leurs réserves de nourriture s’épuisent, pour s’installer dans des tentes en peaux, plus à l’intérieur des terres.

Leurs maisons d’hiver sont circulaires et semi-enterrées. On accède à la pièce principale par un long tunnel d’entrée en pente, qui empêche le froid d’entrer. La moitié arrière de la salle est occupée par une plate-forme surélevée recouverte de peau, servant de lieu de travail ainsi que de lit commun à toute la famille.

Pour construire ces habitations, les Thuléens utilisent les matériaux à leur disposition : pierres, bois, mottes de terre, tourbe, peaux et…os de baleine. Avant qu’ils ne suivent les mouvements des cétacés vers l’Atlantique Nord, ils disposaient de bois. Mais, plus ils se sont éloignés de l’Alaska, plus le bois a manqué. Ils l’ont alors remplacé par les os du cétacé dont ils se sont servis essentiellement pour l’élaboration de la charpente et du tunnel d’entrée.

Maison thuléenne

Maison thuléenne
Source : Encyclopédie canadienne

Une équipe d’anthropologues canadiens s’est intéressée à l’utilisation des os de baleine dans dix-huit maisons découvertes sur la côte sud-est de l’île Somerset (Nunavut, Canada). Les scientifiques suggèrent que le recours à ce matériau n’est pas uniquement pragmatique : il aurait aussi un sens lié au symbolisme de la baleine. Cette hypothèse s’appuie sur une relation d’analogie entre la culture inupiat (culture inuit du nord de l’Alaska), dérivée de la thuléenne très proche, et la culture des Inuit du Nunavut (Canada), notamment celle des Iglulik [1]Pour en savoir plus sur les Iglulik : voir l’Encyclopédie canadienne en ligne. .

La maison thuléenne représenterait une baleine dont le tunnel d’entrée évoque la bouche et la pièce principale, le corps. Outre la conception de cette habitation, la femme est, elle aussi, liée au symbolisme du cétacé. Certains comportements et actions lui sont donc interdits, afin de favoriser le succès des baleiniers lorsque ceux-ci sont en mer.

Ile Somerset

Ile Somerset

Ainsi, chez les Inupiat, la femme du possesseur du bateau de pêche, représentante de l’âme de la baleine pourchassée, doit respecter des règles strictes. Les femmes de Tikigaq (Alaska), par exemple, se comportent comme si elles étaient malades et fatiguées, bougeant très peu. Ce comportement est destiné à troubler l’esprit de la baleine pour lui faire croire qu’elle est elle-même faible et épuisée. Plus à l’est, au Canada, les femmes iglulik (Inuits du Nunavut, Canada) respectent des règles comparables : elles doivent desserrer leurs vêtements et s’allonger tranquillement dans leurs tentes afin d’empêcher la baleine de faire chavirer le bateau des chasseurs.

Les similitudes de ces rituels chez les Inuits d’Alaska et du Canada laissent supposer une croyance commune qui trouverait son origine chez le peuple de Thulé.

 

La chasse à la baleine

L’ingéniosité des techniques de chasse à la baleine des Thuléens est remarquable. Ils disposent de tout le matériel approprié. Ils se déplacent en oumiak, une embarcation en peau de phoque d’environ 10 mètres de long, pouvant transporter plusieurs passagers et de lourdes charges. Pour attraper une proie, ils se servent de harpons détachables reliés à des flotteurs eux aussi en peau de phoque. La baleine harponnée se fatigue en tentant de fuir et de plonger, les flotteurs la retenant à la surface. C’est lorsqu’elle est épuisée et qu’elle cesse de lutter que les hommes la tuent à coups de lances.

Notes de bas de page

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1 Pour en savoir plus sur les Iglulik : voir l’Encyclopédie canadienne en ligne.
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