Variations saisonnières et troubles bipolaires dans des familles sames à haut risque : quand la nuit n’en finit plus
Parmi les facteurs liés au milieu susceptibles de précipiter un trouble bipolaire [1]Trouble de l’humeur caractérisé par une alternance périodique d’épisodes maniaques (surexcitation, hyperactivité…) et d’épisodes dépressifs., on a pu identifier des évènements stressants de la vie, des abus de substances et des troubles du cycle du sommeil. Des changements rapides dans la durée d’exposition à la lumière du jour joueraient également un certain rôle, qui reste à préciser.
Or les régions polaires, dans la mesure où elles présentent des variations annuelles extrêmes de lumière diurne selon la saison et la latitude, constituent à cet égard un terrain d’étude privilégié. Ainsi la nuit polaire, période de l’année où le soleil ne se lève pas, peut durer jusqu’à 6 mois, au pôle.
C’est dans cette optique que des chercheurs finlandais ont entrepris, sous des latitudes arctiques, l’étude du cours des manifestations cliniques chez des sujets présentant des troubles bipolaires avérés, comparés à des parents non affectés, ainsi qu’à des personnes non apparentées (sujets-témoins). Outre les épisodes de troubles de l’humeur et de détresse, la consommation d’alcool et la durée du sommeil étaient également relevées.
Cette enquête longitudinale a été menée dans le nord de la Finlande, auprès de familles sames « à haut risque » de troubles bipolaires. Les observations, échelonnées entre juillet 2013 et mars 2014, ont été effectuées chaque fois sur une durée de trois semaines, lors des périodes les plus nettement contrastées d’exposition à la lumière :
– la période la plus lumineuse, autour du solstice d’été ;
– la période autour de l’équinoxe d’automne, en septembre-octobre, marquée par la diminution la plus rapide de la durée d’exposition à la lumière ;
– la période la plus sombre, autour du solstice d’hiver, en décembre-janvier ;
– la période autour de l’équinoxe de printemps, durant laquelle l’augmentation de luminosité est la plus rapide.
Une première différence significative entre les sujets bipolaires et leurs parents non atteints a été constatée à propos de l’évolution clinique, selon la période de l’année : alors que, de l’hiver au printemps, le niveau des symptômes de dépression et de détresse restait continu chez les sujets bipolaires, il allait en diminuant chez les frères et sœurs non affectés. Chez ces derniers, ces fluctuations de l’humeur, ainsi que de la durée du sommeil, étaient précédées par des différences significatives dans le niveau de consommation d’alcool en automne.
Il a également été constaté une relation entre chronotype [2]Le chronotype, évalué selon une échelle de vespéralité/matinalité, est la manifestation comportementale du rythme veille-sommeil. Il renvoie à la propension de la personne à dormir lors de périodes privilégiées au cours de 24 heures, avec comme corollaire une préférence plus ou moins marquée pour les activités diurnes ou nocturnes. et propension à développer des symptômes maniaques chez les « oiseaux de nuit » (de chronotype « vespéral »).
Selon cette étude, malgré le caractère restreint de l’échantillon sur lequel elle a porté, les signes et symptômes propres au trouble bipolaire, sous des latitudes arctiques, sont continus et d’intensité constante aux différentes périodes de l’année. Ils seraient ainsi liés à un trouble des régulations liées aux variations saisonnières, dont la nature reste à déterminer.
Notes de bas de page
↑1 | Trouble de l’humeur caractérisé par une alternance périodique d’épisodes maniaques (surexcitation, hyperactivité…) et d’épisodes dépressifs. |
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↑2 | Le chronotype, évalué selon une échelle de vespéralité/matinalité, est la manifestation comportementale du rythme veille-sommeil. Il renvoie à la propension de la personne à dormir lors de périodes privilégiées au cours de 24 heures, avec comme corollaire une préférence plus ou moins marquée pour les activités diurnes ou nocturnes. |