La mortalité par blessures involontaires dans les populations autochtones d’Alaska, 2006-2015
En 2015, la population autochtone d’Alaska était estimée à 18 % de la population totale de l’État, dont plus d’un tiers (38 %) résidait dans quelque 200 communautés rurales. Cent-soixante-dix-huit d’entre elles, séparées les unes des autres et des hôpitaux régionaux par de vastes étendues de toundra, d’eau, de glaciers et de montagnes, sont totalement isolées. Les déplacements hors du village sont assurés par de petits avions, et selon la saison par bateau, motoneige ou véhicule tout-terrain.
L’Alaska comprend plus de 50 % du littoral des États-Unis, et des milliers de kilomètres de rivières. Chaque année, des dizaines de milliers d’autochtones d’Alaska récoltent, préparent, distribuent et consomment des tonnes d’animaux sauvages, de poissons et de plantes. Les activités liées à ce mode de vie impliquent de passer un temps considérable sur ou près de l’eau, et exposent à un certain nombre de risques naturels. Ceci rendrait compte, au moins en partie, des taux élevés de mortalité par blessures involontaires au sein de ces populations. L’isolement géographique, entravant l’accès aux soins médicaux, jouerait un rôle additionnel.
C’est dans ce contexte que les auteurs de la présente étude ont analysé, à partir des données contenues dans les certificats de décès du Bureau des Statistiques Vitales de l’État d’Alaska, les catégories de décès par accident au sein des populations autochtones [1] dont le code « race » du certificat de décès spécifiait « Autochtone d’Alaska », « Eskimo » ou « Eskimo canadien », « Indien » ou « Indien canadien », « Aléoute », ou une combinaison comprenant n’importe lequel de ces groupes. sur la période 2006-2015, comparées à l’ensemble des populations blanches des États-Unis d’une part, et d’Alaska d’autre part.
Sur les 37 896 décès survenus sur cette période, 3573 (9,4 %) ont été recensés comme étant dus à des blessures involontaires.
Les cinq premières catégories de causes pour les indigènes étaient :
– les intoxications;
– les collisions/incidents de véhicules à moteur, accidents de la circulation ;
– les noyades/submersions ;
– l’environnement naturel ;
– les autres moyens terrestres de transport.
Alors que les chutes étaient la troisième cause de mortalité pour les populations blanches de l’ensemble des États-Unis d’une part, et d’Alaska d’autre part, elles ne figuraient pas dans les cinq principales au sein des populations autochtones, même si, en valeur absolue, leur nombre était plus élevé chez ces dernières.
Pour la mortalité liée au trafic routier, les taux étaient sensiblement les mêmes pour les trois types de population.
Les intoxications, causes principales de décès chez les indigènes aussi bien hommes que femmes, étaient presque trois fois plus nombreuses que chez les Blancs des États-Unis, deux fois et demi plus nombreuses que chez les Blancs d’Alaska, et se produisaient majoritairement en milieu urbain.
Pour les trois autres causes de mortalité (par noyade/immersion, liées à l’environnement naturel [2] majoritairement par exposition au froid, l’alcool étant un facteur associé dans 21 % des cas., liées aux « autres moyens terrestres de transport »), associées à la géographie et au climat extrêmes de l’Alaska, c’est là que les différences entre populations étaient les plus marquées.
A elles seules, ces trois catégories constituaient 25 % de tous les décès d’autochtones, contre moins de 5 % pour l’ensemble des Blancs des États-Unis. Les taux chez les Blancs d’Alaska étaient également plus élevés que chez ceux de l’ensemble des États-Unis, quoiqu’à un degré moindre. Le facteur qui rendrait compte des différences ethniques dans le taux de mortalité serait lié à une différence d’exposition aux risques environnementaux, 30% des autochtones vivant dans des villages isolés, pour 5% seulement de Blancs d’Alaska.
Au terme de cette étude, plusieurs voies se dessinent en matière de prévention et d’études complémentaires :
– Près d’un tiers de ces décès par blessures involontaires sont survenus, chez les autochtones et les Blancs d’Alaska, lors de déplacements hors de la résidence, principalement de zones plus rurales/isolées vers des zones plus urbaines. Des recherches complémentaires sont requises afin de déterminer si cela est dû à un manque de familiarité avec différents environnements et circonstances, ou à la quantité de temps passée par les résidents ruraux et urbains dans d’autres zones géographiques.
– Du fait de la variabilité et de la spécificité des modes de transport couramment utilisés pour se déplacer dans tout l’État (à la différence du reste des États-Unis), une catégorie générale modifiée des modes de transport et des taux associés de mortalité, intégrant scooter des neiges, véhicules tout-terrain, voiture et bateau, permettrait une comparaison plus cohérente du poids des blessures liées au type de transport utilisé en Alaska, et par rapport à d’autres pays.
– Par ailleurs, des recherches axées sur toutes les façons dont alcool et drogue pourraient avoir contribué à la mortalité par accident en amélioreraient notre compréhension et pourraient guider la démarche de prévention.
– D’autre part, des efforts continus et renforcés pour encourager l’utilisation de vêtement de flottaison individuel, ainsi que l’apprentissage de la natation dans les régions de l’État où la navigation est un mode de transport majeur, pourraient contribuer à réduire les décès par noyade ou accident nautique.
– Des efforts éducatifs similaires relatifs au port de casque lors de la conduite de scooter des neiges et de véhicule tout-terrain seraient également susceptibles d’atténuer la mortalité par blessures involontaires, étant donné que la majorité des décès en scooter des neiges impliquent des blessures à la tête et à la nuque.
Notes de bas de page
↑1 | dont le code « race » du certificat de décès spécifiait « Autochtone d’Alaska », « Eskimo » ou « Eskimo canadien », « Indien » ou « Indien canadien », « Aléoute », ou une combinaison comprenant n’importe lequel de ces groupes. |
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↑2 | majoritairement par exposition au froid, l’alcool étant un facteur associé dans 21 % des cas. |