Des momies dénoncent la pollution moderne au mercure
Le mercure est un métal toxique, liquide ou gazeux à température ambiante. Constituant naturel de la croûte terrestre, il est aussi rejeté dans les airs lors de phénomènes volcaniques. Au même titre que d’autres polluants volatils, au niveau des régions arctiques, il entre dans le processus de bioaccumulation dans la chaîne alimentaire (voir les explications de ce phénomène dans l’article : L’ours blanc contaminé par le mercure). Il a donc toujours été présent, en plus ou moins grande quantité, dans les tissus des mammifères ou des poissons de ces latitudes.
Cependant, de nombreux scientifiques se sont inquiétés récemment de la présence de plus en plus élevée de certains contaminants, dont le mercure, dans les espèces animales polaires consommées par l’homme. Diverses études sur des carottes de glace ou sur des sédiments de lacs arctiques montrent par ailleurs un accroissement de la teneur en mercure entre le début de l’ère industrielle et la fin des années 1990. Ce phénomène est dû essentiellement à son exploitation minière, à son usage industriel et à la combustion du charbon.
Les cheveux humains sont de bons indicateurs de l’exposition au mercure. Le méthylmercure, forme prédominante du mercure alimentaire, est en effet très stable dans le temps. Le dosage est si précis que l’on peut retrouver, en segmentant les mèches, des variations qui correspondent aux fluctuations des différentes sources de nourriture selon les saisons (migration des poissons ou des mammifères marins).
Les momies découvertes par des archéologues sur les îles Aléoutiennes (Alaska) ont été datées au Carbone 14. Les mesures attestent d’une ancienneté d’environ 500 ans. Il est légitime de penser qu’à cette époque, les habitants vivaient uniquement de chasse et de pêche et que la contamination au méthylmercure mesurée dans leur chevelure provenait exclusivement d’une pollution d’origine naturelle accumulée dans leur nourriture.
Les populations arctiques sont logiquement plus exposées aux métaux lourds par leur consommation de mammifères marins, poissons et fruits de mer hautement contaminés. Or, actuellement, la part de cette alimentation traditionnelle ne constitue plus que 10 à 30% de l’alimentation totale, le reste (légumes, fruits, céréales…) étant importé. Compte tenu de la faible proportion de cette nourriture, les mesures de concentration de méthylmercure dans les cheveux des populations modernes devraient être plus faibles que celles des momies. En réalité, elles sont équivalentes, voire plus élevées.
Selon les auteurs, ces résultats confortent l’idée que la pollution au mercure au cours de ces derniers siècles reste essentiellement anthropique.