Deux cratères d’impact de dimensions imposantes viennent d’être découverts coup sur coup sous la calotte groenlandaise ! – Les mammouths en définitive auraient-ils eux aussi été les victimes d’une météorite durant le stade ultime de la dernière période glaciaire ?
Ce sont en effet deux découvertes plutôt spectaculaires qui viennent d’être réalisées à peu d’intervalle dans la partie nord-ouest du Groenland, le premier cratère, dont la présence fut annoncée en novembre dernier (Kjær et al., 2018), ayant été détecté sous une épaisseur de glace atteignant près de 1 000 mètres, en bordure du glacier Hiawatha (duquel il tire son nom). Le second (dénommé cratère de Paterson en hommage au glaciologue britannique récemment disparu), fut révélé en février (MacGregor et al., 2019), ayant été décelé à seulement 180 kilomètres de là, vers le sud, enfoui cette fois-ci sous 2 000 mètres de glace. Ces découvertes peuvent paraître d’autant plus inattendues que les scientifiques considèrent que de tels cratères d’impact sous-glaciaires sont habituellement difficiles à mettre en évidence, présumant que la plupart ont été grandement effacés par l’érosion (météorique et/ou glaciaire), hormis les plus récents. Le premier de ces cratères mesure de l’ordre de 31 kilomètres de diamètre, le deuxième étant légèrement plus grand, avec un diamètre de 36,5 kilomètres, ce qui les classe respectivement au 26e et au 22e rang des cratères météoritiques les plus importants actuellement connus sur Terre.
Les circonstances de leurs découvertes découlent de l’exploitation d’un ensemble de données radar issues de plusieurs campagnes de mesures aéroportées pratiquées au cours des deux dernières décennies à l’occasion d’études glaciologiques de l’inlandsis, campagnes menées principalement par la NASA mais aussi par l’Institut Alfred WEGENER de Bremerhaven, en Allemagne, ayant conduit à la réalisation de cartes géomorphologiques du socle rocheux présent sous la calotte glaciaire. C’est plus précisément l’examen de ce type de cartes, ainsi que la prise en compte des variations d’épaisseur de la glace et des modèles d’écoulement en surface de cette dernière, qui ont permis aux auteurs de repérer les cratères en question, apparaissant sous forme de dépressions circulaires affectant le substratum. Celles-ci évoquent d’autant plus des structures d’impact qu’elles présentent toutes deux une configuration complexe, montrant notamment dans leur partie centrale une surélévation composée de pics, traduisant un soulèvement des roches impactées faisant suite à la collision (phénomène rappelant celui produit par une goutte d’eau tombant dans un verre partiellement rempli). De tels pics centraux semblent caractéristiques de bon nombre de cratères créés par la chute d’objets célestes d’une taille suffisamment importante, ce qui fait que l’on ne peut généralement les confondre avec des cratères d’origine volcanique.
Si l’existence du cratère de Hiawatha fut suspectée dès 2015 par le biais de levés radar issus d’un premier programme de la NASA, elle a été confirmée depuis par d’autres levés aéroportés ayant bénéficié de technologies plus avancées, notamment ceux mis en œuvre par l’Institut allemand de glaciologie déjà cité. Bien qu’il ne soit pas possible à ce jour de dater précisément ce cratère (pas plus d’ailleurs que le second), son excellent état de conservation s’avère en faveur de son apparition dans un intervalle de temps relativement restreint, situé entre le moment où la glace de l’actuelle calotte groenlandaise commençait à envahir l’île, il y a moins de 3 millions d’années (il se serait retrouvé comme scellé et protégé par la glace venue le recouvrir), et la fin de la dernière glaciation, aux environs de – 12 000 ans, sachant qu’il serait susceptible d’être âgé d’aussi peu, autrement dit de dater d’une période se situant aux environs de la limite entre Pléistocène et Holocène (notre interglaciaire actuel). Certaines particularités en effet, observables au niveau des levés radar, suggèrent que la formation de ce cratère est récente. Il s’agit notamment d’un enchevêtrement des couches profondes de glace au droit de la structure, la calotte montrant de fait un déséquilibre dans la mesure où elle apparaît très perturbée au niveau du plancher du cratère qui lui-même présente de nombreuses irrégularités, indiquant qu’il n’a que peu été démantelé par l’érosion.
Les chercheurs soupçonnent que l’impacteur responsable de sa formation pourrait être un astéroïde de composition ferreuse dans la mesure où l’un d’eux s’est souvenu de l’existence d’un très gros fragment météoritique ayant une telle composition et dont l’âge serait voisin de – 10 000 ans, nommé Agpalilik du nom de l’île sur laquelle il fut découvert en 1963 à proximité du Cap York, sur la côte nord-ouest du Groenland. Ce rocher d’environ 20 tonnes[1] Il s’agit d’une sidérite (variété de météorite riche en fer contenant couramment une certaine proportion de nickel), l’une des plus grosses météorites de fer connues, aujourd’hui exposée dans la cour du Musée géologique de l’Université de Copenhague, au Danemark. D’après la classification, sur le plan de sa structure et de sa composition, elle correspond à une octaédrite, renfermant de l’ordre de 92 % de fer, 8 % de nickel et des traces de gallium, de germanium et d’iridium. serait manifestement issu d’une météorite (astéroïde) bien plus importante dont furent retrouvés d’autres fragments dans la région, parfois encore plus volumineux (les premiers l’ont été dès la fin du XIXe siècle), certains ayant d’ailleurs été longtemps utilisés par les Inuits vivant à proximité comme source de fer pour leurs outils et leurs armes, en particulier leurs harpons.
Afin de conforter cette hypothèse, les scientifiques recherchèrent d’autres indices en faveur de l’existence d’une corrélation entre la formation du cratère de Hiawatha et l’impact d’un astéroïde intervenant récemment dans ce secteur, en pratiquant des prélèvements d’échantillons de sédiments et notamment de sables à proximité du front du glacier du même nom, sédiments ravinés par les eaux sous-glaciaires et dont on estime qu’ils proviennent de la zone du cratère. Ils y découvrirent des quartz choqués, symptomatiques d’un impact météoritique qui aurait pu effectivement se produire dans la région vers la fin de la dernière glaciation, rejoignant en cela les conclusions d’autres auteurs qui préconisent qu’un impact majeur serait survenu récemment en zone arctique ou sub-arctique, en le mettant notamment en relation avec le brusque refroidissement du climat qui succéda aux premiers stades de la déglaciation, épisode dénommé Dryas récent[2] Le Dryas récent (Younger Dryas) ou Dryas III, correspond à la troisième et dernière période du Dryas (- 18 000 à – 11 700 ans avant le présent), marquant l’ultime oscillation froide du Tardiglaciaire, autrement dit l’étape finale de la dernière période glaciaire. Il est approximativement daté de – 12 700 à – 11 700 ans avant le présent (soit environ 10 800 à 9 500 ans avant JC, après calibration des datations au radio-carbone). Il est marqué par une reprise de l’avancée des glaciers ainsi que par une chute importante des températures moyennes planétaires, atteignant 7 °C dans l’hémisphère nord, une baisse maximale de 10 °C intervenant au Groenland. Cet épisode de refroidissement a été suivi d’une remontée importante des températures durant la période dite du Préboréal qui marque le début de l’Holocène, notre interglaciaire actuel. L’une des causes envisagées quant à son déclenchement pourrait être effectivement l’impact d’un corps céleste au Groenland, à l’origine du cratère de Hiawatha il y a environ 12 000 ans (in Wikipédia)., qui débuta vers – 12 700 ans et couvrit une période d’environ 1 300 ans, jalonnant la limite entre Pléistocène et Holocène.
Plusieurs études mentionnent en effet la découverte de nanodiamants[3] Un nanodiamant est une particule de diamant de taille nanométrique, plus exactement de lonsdaléite (allotrope hexagonal du diamant), l’une des trois formes cristallisées naturelles de carbone (avec le diamant et le graphite). Minéral très rare sur Terre à l’état natif, il fut découvert pour la première fois en 1967 au sein du cratère météoritique de Canyon Diablo, en Arizona. Selon les scientifiques, seul l’impact d’un corps céleste (géocroiseur ou comète) serait en mesure d’expliquer la formation de ces nanoparticules qui dès lors doivent être considérées comme des traceurs potentiels de tels évènements survenus dans le passé. dans diverses zones en Amérique du Nord (Firestone et al., 2007 ; Kennett et al., 2009), ainsi qu’emprisonnés localement dans les glaces actuelles du Groenland (Kurbatov et al., 2010), nanoparticules censées refléter l’impact dans ces régions d’un ou plusieurs corps célestes de dimensions conséquentes, précisément vers la fin du Pléistocène (voir ci-après). Percutant l’inlandsis groenlandais et/ou celui des Laurentides aujourd’hui disparu, qui à l’époque recouvrait l’essentiel du Canada ainsi que le Nord des États-Unis, l’impacteur (astéroïde ou comète), ou plus exactement des fragments émanant de celui-ci, auraient atteint le substrat rocheux, vaporisant glace et roches en émettant quantités de poussières dans l’atmosphère, obscurcissant cette dernière en provoquant un blocage de l’ensoleillement et le refroidissement qui s’ensuivit. Déstabilisant l’inlandsis en entraînant la fusion de volumes de glace très importants, ils auraient pu de surcroît participer à la libération de quantités considérables d’eaux de fonte, ayant été susceptibles de fortement modifier, voire bloquer la circulation océanique et notamment le Gulf Stream[4] La circulation thermohaline correspond à la circulation océanique engendrée à l’échelle mondiale par les différences de densité (masse volumique) de l’eau de mer. Ces différences de densité proviennent des écarts de température et de salinité des masses d’eau. Les eaux froides plongent au niveau des hautes latitudes de l’Atlantique-Nord (Mers de Norvège, du Groenland et du Labrador) et descendent vers le sud, à des profondeurs comprises entre 1 et 3 km, formant les eaux profondes nord-atlantiques. Leur remontée se fait principalement par mélange vertical dans tout l’océan. La circulation océanique thermohaline est donc actionnée par des différences de densité et la plongée des eaux les plus froides constitue le moteur du tapis roulant océanique intervenant à l’échelle planétaire. Dans la réalité néanmoins, il peut être relativement difficile de séparer la circulation entretenue par les gradients de densité seuls de celle entraînée par d’autres moteurs du mouvement des masses d’eau, tels que les vents ou les marées. Quoi qu’il en soit, les grands courants marins qui circulent de manière permanente au sein des océans répartissent sur la planète l’énergie solaire captée par les masses d’eau, l’une des manifestations les plus évidentes de cette circulation océanique étant le Gulf Stream, courant chaud d’Atlantique Nord qui réchauffe l’Europe puis qui s’atténue et disparaît lorsque ses eaux se mélangent avec celles plus froides de l’Arctique. Un changement climatique, en raison de ses effets sur les températures de l’eau et la fonte des glaces, peut modifier ce processus, les variations de température induites et l’arrivée potentielle de quantités importantes d’eau douce étant susceptibles de diminuer la densité des eaux septentrionales, ralentissant leur plongée et en conséquence l’ensemble de la circulation mondiale., en ne faisant qu’accentuer le refroidissement du climat, en particulier dans l’hémisphère nord.
Quant au cratère de Paterson, mis en évidence à peu de distance du cratère de Hiawatha dont il est de taille comparable (MacGregor et al., 2019), au moyen là encore de relevés géophysiques aéroportés mais aussi de données satellitaires[5] Ce second cratère fut initialement repéré grâce à sa forme circulaire, apparaissant entre autres sur les images de la surface de l’inlandsis issues des satellites Terra et Aqua de la NASA, équipés du spectroradiomètre Modis. Ont également été utilisées des données radar ayant permis de visualiser la topographie du socle rocheux sous-jacent, complétées par des données magnétiques et gravimétriques collectées lors des campagnes géophysiques aéroportées de la NASA, dont la mission IceBridge lancée en 2009., sa présence suggère qu’il pourrait avoir été créé au même moment que le premier, signifiant que tous deux constitueraient en fait un doublet de cratères jumeaux, résultant de l’impact de plusieurs portions d’un même astéroïde initial qui se seraient séparées avant d’atteindre le sol. Néanmoins, un examen plus approfondi de sa morphologie et de la configuration des glaces sus-jacentes indique qu’il a subi davantage d’érosion, avant que ne se forment les strates composant la base du glacier qui apparaissent conformes (i.e. parallèles) au plancher du cratère, étant beaucoup plus régulières (non perturbées) et manifestement plus anciennes qu’elles ne le sont dans le cas de la structure de Hiawatha. Ainsi, tandis que cette dernière pourrait être apparue il y a seulement 12 000 ans, ce second cratère serait lui aussi le témoin d’un impact météoritique d’importance, survenu cependant à une date antérieure. Les auteurs considèrent qu’il pourrait être âgé d’environ 80 000 ans (proche de la base du Pléistocène supérieur), étant donné que les couches de glace qui l’emprisonnent semblent ne pas avoir été perturbées depuis cette période (ce qu’en l’occurrence tendent à démontrer les données obtenues à partir d’un forage préalablement effectué à proximité au travers de l’Inlandsis). Ils estiment par ailleurs que sa profondeur initiale devait être d’au moins un kilomètre (alors qu’elle n’est plus actuellement que de moins de deux cents mètres), ce qui indique qu’il aurait été fortement érodé comparé au cratère de Hiawatha supposé plus récent.
Quand bien même les causes des extinctions de la fin du Pléistocène, particulièrement prononcées en Amérique du Nord où environ 80 % des espèces de grands mammifères ont disparu aux alentours de – 13 000 ans, font aujourd’hui encore l’objet de débats animés au sein de la communauté scientifique, d’aucuns considérant qu’elles seraient pour l’essentiel une conséquence des activités humaines et notamment d’une surchasse des grands animaux[6] Voir sur notre site le dossier intitulé « Les hommes du Paléolithique chassaient le mammouth en Sibérie arctique et avaient ainsi atteint le Grand Nord bien plus tôt qu’on ne l’imagine au cours du Pléistocène supérieur ! – Impact potentiel envers la mégafaune et incidence quant à la chronologie de la conquête de l’Amérique du Nord »., certains auteurs (e.g. Firestone et al., 2007 ; Kennett et al., 2009) privilégient l’intervention d’un petit corps céleste, en l’occurrence une comète de plusieurs kilomètres de diamètre, en tant que responsable primordial de ces extinctions. L’impacteur serait venu s’écraser sur l’inlandsis des Laurentides (couvrant notamment ce qui deviendra plus tard la région des Grands Lacs), sans doute après s’être fractionné en entrant dans l’atmosphère. Ainsi, une théorie élaborée dès 2007 fait état d’une retombée sur l’Amérique du Nord de plusieurs fragments issus d’un tel bolide, qui combinée au refroidissement du Dryas récent, aurait entraîné une raréfaction de la végétation, source de nourriture des troupeaux d’herbivores tels ceux de mammouths qui ainsi auraient pu disparaître, phénomène plausiblement synchrone d’une chasse excessive mais pour certaines espèces seulement[7] De l’ordre de 35 genres de grands animaux ont disparu en Amérique du Nord durant le Pléistocène et 15 d’entre eux l’auraient fait précisément aux environs de – 12 900 ans. Il peut ainsi paraître excessivement tentant d’y voir, comme pour la disparition des dinosaures à la fin du Crétacé, les effets de la chute d’un astéroïde ou d’une comète comme facteur déterminant quant à l’origine de l’extinction massive particulièrement rapide de la mégafaune de l’époque dans cette région.. Si parmi ces fragments cométaires, certains ont déstabilisé l’inlandsis, d’autres seraient tombés ailleurs sur le continent en provoquant des incendies, participant à émettre des suies dans l’atmosphère et à obscurcir temporairement cette dernière. Un tel évènement aurait donc pu induire le refroidissement de la fin du Dryas, en même temps qu’il aurait entraîné bon nombre d’extinctions par le biais de dérèglements climatiques et d’un effondrement de la chaîne alimentaire, couplés à de possibles pandémies[8] Voir en l’occurrence sur notre site l’article intitulé « Une nouvelle hypothèse pour expliquer la disparition des mammouths », préconisant l’intervention d’une acidification des sols vers la fin de la dernière période glaciaire et celle d’un lessivage de ces derniers dû à l’augmentation des précipitations accompagnant la déglaciation, phénomènes responsables d’une désalinisation à l’origine de carences en certains nutriments chez les représentants de la mégafaune eurasienne et tout particulièrement le mammouth laineux, entraînant chez lui des pathologies qui auraient pu accélérer sa disparition.. En parallèle, la fonte d’une partie de l’inlandsis sous l’effet de la chaleur produite lors de la (des) collision(s) aurait été suivie d’une vidange partielle de l’immense réservoir d’eau douce constituant le paléolac Agassiz[9] Plus grand lac glaciaire existant à cette époque en Amérique du Nord, le lac Agassiz recouvrait une bonne partie du Manitoba, le nord-ouest de l’Ontario, certaines zones de l’est de la Saskatchewan et du Dakota du Nord, ainsi que le nord-ouest du Minnesota. Il mesura ainsi jusqu’à 1 500 km de long pour plus de 1 100 km de large et atteignit un peu plus de 200 m de profondeur, ce qui donne une idée du volume considérable qu’il a pu représenter (se chiffrant en dizaines, voire en centaines de milliers de km3)., plus grand lac glaciaire ayant existé, du moins à l’époque, en Amérique du Nord, de sorte qu’une grande quantité d’eau douce et froide se serait déversée dans l’Atlantique nord, perturbant ou allant jusqu’à stopper complètement la circulation thermohaline au niveau planétaire (cf. note n° 4). Ce refroidissement rapide est aujourd’hui attesté par l’analyse d’indicateurs de paléotempératures au sein de carottes de sédiments marins prélevées par forage dans les océans ou de carottes de glace issues des calottes du Groenland et de l’Antarctique.
A l’appui de ce scénario, les scientifiques (Firestone et al., 2007 ; Kennett et al., 2009) étudièrent un certain nombre de sites archéologiques liés à la culture Clovis[10] Les premiers américains, du moins le croyait-on il y a peu de temps encore, porteurs de la culture Clovis (en référence au site éponyme situé au Nouveau-Mexique et où fut exhumée pour la première fois une industrie lithique comportant des pointes caractéristiques dites de Clovis ainsi que d’autres outils spécifiques en ivoire et en os), seraient venus d’Asie par le détroit de Béring aux environs de – 13 000 ans avant le présent (d’après les datations obtenues sur le site en question). Ils auraient franchi ce détroit peu après un premier stade de réchauffement ayant débuté vers la fin de la dernière période glaciaire, détroit offrant alors un passage dans la mesure où le niveau de l’océan était à cette époque plus bas d’environ une centaine de mètres par rapport au niveau actuel, formant un pont de terre émergée entre la Sibérie et l’Alaska, accessible à pied sec. La culture Clovis fut longtemps considérée comme étant la plus ancienne du continent américain mais des indices de plus en plus probants d’une occupation préalable apparaissent aujourd’hui. Certains auteurs envisagent même de dorénavant faire remonter le premier peuplement de l’Amérique à une date nettement antérieure (vers – 50 000 ans ou – 60 000 ans avant le présent), bien que de telles suppositions demeurent très controversées., situés aux États-Unis et au Canada, y rencontrant fréquemment une couche sombre enrichie en carbone d’épaisseur pluri-centimétrique (à l’image de la fameuse couche KT marquant la limite Crétacé-Tertiaire et qui traduit des retombées à l’échelle mondiale de débris et de suies consécutives à l’impact du Chicxulub, dans le Yucatan), couche datée d’environ 12 900 ans et qui contient ici aussi des concentrations anormalement élevées en iridium, élément lourd et rare à la surface de la Terre mais observé en relative abondance dans certains types de météorites ou de comètes. Comme préalablement indiqué, des nanodiamants (mais aussi des fullerènes[11] Un fullerène est une molécule (dite molécule cage) de carbone, pouvant prendre la forme géométrique d’une sphère, d’un ellipsoïde, d’un tube (dit nanotube) ou encore d’un anneau, constituant la troisième forme naturelle connue de carbone (avec le graphite et le diamant). Les fullerènes, qui sont des nanoparticules, ont été découverts et synthétisés pour la première fois dans les années 1980. Leur présence fut détectée dans le milieu interstellaire ou circumstellaire, sachant que dans la nature, d’infimes quantités de ces composés peuvent apparaître dans des suies à l’issue de combustions, ainsi que lors d’éclairs dans l’atmosphère. Ils furent également mis en évidence au niveau de cratères météoritiques importants, en particulier le bassin de Sudbury, vaste structure d’impact présente en Ontario (Canada) et définie comme étant le deuxième plus grand cratère d’impact terrestre reconnu actuellement. Des fullerènes ont en particulier été décelés, en faible quantité, dans des brèches d’impact liées à ce cratère, deux scénarios étant possibles quant à leur origine : (1) synthétisés au sein du panache créé par l’impact à partir du carbone que renfermait le bolide (astéroïde ou comète) ; (2) présents initialement sous cette forme au sein du bolide, en ayant ainsi survécu à l’impact.) ont également été observés au sein de ce niveau, qui classiquement sont des indices de conditions de pression-température extrêmes atteintes lors de la chute d’objets célestes importants, ces traceurs diminuant ici lorsque l’on s’éloigne de la région des Grands Lacs. Des nanodiamants et des sphérules d’impact ont d’ailleurs été retrouvés dans des sédiments de même âge au sein d’un lac du centre du Mexique (Israde-Alcántara et al., 2012), venant renforcer cette idée de l’intervention d’un corps céleste dans la mesure où celui-ci aurait induit des retombées de matériaux (pour partie d’origine extraterrestre) sur un ensemble de territoires qui en définitive serait bien plus étendu qu’on aurait été tenté de l’imaginer.
Ainsi cette hypothèse, qui néanmoins demeure controversée, serait-elle sur le point de redevenir amplement d’actualité suite à la découverte des cratères groenlandais, tout spécialement de celui de Hiawatha qui semble apporter la preuve qu’un impact important (ou probablement plusieurs en réponse à une fragmentation de l’objet céleste impliqué avant que celui-ci n’entre en collision avec la Terre) se soit effectivement produit au moment où intervenait une série notable d’extinctions, en même temps qu’un épisode de refroidissement pour le moins brutal du climat. Prenant en considération les modélisations d’autres astroblèmes de par le monde, les auteurs (Kjær et al., 2018) envisagent que ce cratère ait pu être provoqué par un astéroïde (ou une portion de celui-ci) dont le diamètre devait sans doute atteindre 1,5 km, sa densité et sa composition étant celles d’une sidérite (météorite ferreuse), par analogie avec les fragments d’une telle nature ayant été retrouvés dans la région, notamment Agpalilik.
Il resterait cependant à prouver que le cratère de Hiawatha en soit réellement un, l’idéal voulant que l’on puisse déployer les moyens de pratiquer un forage au travers du glacier de manière à atteindre le socle rocheux, à l’aplomb du cratère, pour pouvoir en extraire des échantillons susceptibles de confirmer que nous sommes effectivement en présence d’un astroblème, de par l’existence d’impactites[12] Une impactite est une roche relativement exceptionnelle produite lors de la chute d’une météorite de dimension importante, qui s’accompagne d’un métamorphisme de choc dont les conditions de pression température peuvent respectivement atteindre 105 kbars et 104 °C, ce qui entraîne une fusion (production de verres silicatés) et la précipitation de minéraux particuliers de très haute pression que sont notamment les polymorphes de la silice de type coésite ou stishovite, des pyroxènes de type jadéite ou encore certains spinelles. en particulier, tout en permettant de le dater de façon absolue. Supposé contemporain des premières populations d’Homo sapiens ayant conquis l’Amérique, l’astéroïde en cause (ou la comète, dite de Clovis dans l’hypothèse avancée à propos de la région des Grands Lacs), intervenant sous forme d’une pluie météoritique du fait de son fractionnement préalable dans l’atmosphère, aurait pu décimer la mégafaune de la fin du Pléistocène et en même temps coïncider avec une étape décisive menant à la sédentarisation des humains, en réponse à de profonds changements de leur environnement et en particulier de leurs conditions de subsistance. Selon ce modèle en effet, de tels bouleversements seraient potentiellement à l’origine de la disparition de la culture de chasseurs-cueilleurs qui prévalait à la fin du Paléolithique, au profit d’une civilisation d’éleveurs-agriculteurs, vouée à devenir pérenne durant le Néolithique. On ne peut toutefois écarter l’idée qu’une telle adaptation des populations de l’époque soit plus simplement le reflet du réchauffement du climat survenant au début de l’Holocène, ayant permis à l’agriculture tout autant qu’à l’élevage de se développer à l’échelle planétaire, expansion qui aujourd’hui s’avère cependant particulièrement délétère en raison de l’explosion de la démographie, à l’instar du réchauffement (auquel une telle expansion participe), devenu essentiellement anthropique…
Notes de bas de page
↑1 | Il s’agit d’une sidérite (variété de météorite riche en fer contenant couramment une certaine proportion de nickel), l’une des plus grosses météorites de fer connues, aujourd’hui exposée dans la cour du Musée géologique de l’Université de Copenhague, au Danemark. D’après la classification, sur le plan de sa structure et de sa composition, elle correspond à une octaédrite, renfermant de l’ordre de 92 % de fer, 8 % de nickel et des traces de gallium, de germanium et d’iridium. |
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↑2 | Le Dryas récent (Younger Dryas) ou Dryas III, correspond à la troisième et dernière période du Dryas (- 18 000 à – 11 700 ans avant le présent), marquant l’ultime oscillation froide du Tardiglaciaire, autrement dit l’étape finale de la dernière période glaciaire. Il est approximativement daté de – 12 700 à – 11 700 ans avant le présent (soit environ 10 800 à 9 500 ans avant JC, après calibration des datations au radio-carbone). Il est marqué par une reprise de l’avancée des glaciers ainsi que par une chute importante des températures moyennes planétaires, atteignant 7 °C dans l’hémisphère nord, une baisse maximale de 10 °C intervenant au Groenland. Cet épisode de refroidissement a été suivi d’une remontée importante des températures durant la période dite du Préboréal qui marque le début de l’Holocène, notre interglaciaire actuel. L’une des causes envisagées quant à son déclenchement pourrait être effectivement l’impact d’un corps céleste au Groenland, à l’origine du cratère de Hiawatha il y a environ 12 000 ans (in Wikipédia). |
↑3 | Un nanodiamant est une particule de diamant de taille nanométrique, plus exactement de lonsdaléite (allotrope hexagonal du diamant), l’une des trois formes cristallisées naturelles de carbone (avec le diamant et le graphite). Minéral très rare sur Terre à l’état natif, il fut découvert pour la première fois en 1967 au sein du cratère météoritique de Canyon Diablo, en Arizona. Selon les scientifiques, seul l’impact d’un corps céleste (géocroiseur ou comète) serait en mesure d’expliquer la formation de ces nanoparticules qui dès lors doivent être considérées comme des traceurs potentiels de tels évènements survenus dans le passé. |
↑4 | La circulation thermohaline correspond à la circulation océanique engendrée à l’échelle mondiale par les différences de densité (masse volumique) de l’eau de mer. Ces différences de densité proviennent des écarts de température et de salinité des masses d’eau. Les eaux froides plongent au niveau des hautes latitudes de l’Atlantique-Nord (Mers de Norvège, du Groenland et du Labrador) et descendent vers le sud, à des profondeurs comprises entre 1 et 3 km, formant les eaux profondes nord-atlantiques. Leur remontée se fait principalement par mélange vertical dans tout l’océan. La circulation océanique thermohaline est donc actionnée par des différences de densité et la plongée des eaux les plus froides constitue le moteur du tapis roulant océanique intervenant à l’échelle planétaire. Dans la réalité néanmoins, il peut être relativement difficile de séparer la circulation entretenue par les gradients de densité seuls de celle entraînée par d’autres moteurs du mouvement des masses d’eau, tels que les vents ou les marées. Quoi qu’il en soit, les grands courants marins qui circulent de manière permanente au sein des océans répartissent sur la planète l’énergie solaire captée par les masses d’eau, l’une des manifestations les plus évidentes de cette circulation océanique étant le Gulf Stream, courant chaud d’Atlantique Nord qui réchauffe l’Europe puis qui s’atténue et disparaît lorsque ses eaux se mélangent avec celles plus froides de l’Arctique. Un changement climatique, en raison de ses effets sur les températures de l’eau et la fonte des glaces, peut modifier ce processus, les variations de température induites et l’arrivée potentielle de quantités importantes d’eau douce étant susceptibles de diminuer la densité des eaux septentrionales, ralentissant leur plongée et en conséquence l’ensemble de la circulation mondiale. |
↑5 | Ce second cratère fut initialement repéré grâce à sa forme circulaire, apparaissant entre autres sur les images de la surface de l’inlandsis issues des satellites Terra et Aqua de la NASA, équipés du spectroradiomètre Modis. Ont également été utilisées des données radar ayant permis de visualiser la topographie du socle rocheux sous-jacent, complétées par des données magnétiques et gravimétriques collectées lors des campagnes géophysiques aéroportées de la NASA, dont la mission IceBridge lancée en 2009. |
↑6 | Voir sur notre site le dossier intitulé « Les hommes du Paléolithique chassaient le mammouth en Sibérie arctique et avaient ainsi atteint le Grand Nord bien plus tôt qu’on ne l’imagine au cours du Pléistocène supérieur ! – Impact potentiel envers la mégafaune et incidence quant à la chronologie de la conquête de l’Amérique du Nord ». |
↑7 | De l’ordre de 35 genres de grands animaux ont disparu en Amérique du Nord durant le Pléistocène et 15 d’entre eux l’auraient fait précisément aux environs de – 12 900 ans. Il peut ainsi paraître excessivement tentant d’y voir, comme pour la disparition des dinosaures à la fin du Crétacé, les effets de la chute d’un astéroïde ou d’une comète comme facteur déterminant quant à l’origine de l’extinction massive particulièrement rapide de la mégafaune de l’époque dans cette région. |
↑8 | Voir en l’occurrence sur notre site l’article intitulé « Une nouvelle hypothèse pour expliquer la disparition des mammouths », préconisant l’intervention d’une acidification des sols vers la fin de la dernière période glaciaire et celle d’un lessivage de ces derniers dû à l’augmentation des précipitations accompagnant la déglaciation, phénomènes responsables d’une désalinisation à l’origine de carences en certains nutriments chez les représentants de la mégafaune eurasienne et tout particulièrement le mammouth laineux, entraînant chez lui des pathologies qui auraient pu accélérer sa disparition. |
↑9 | Plus grand lac glaciaire existant à cette époque en Amérique du Nord, le lac Agassiz recouvrait une bonne partie du Manitoba, le nord-ouest de l’Ontario, certaines zones de l’est de la Saskatchewan et du Dakota du Nord, ainsi que le nord-ouest du Minnesota. Il mesura ainsi jusqu’à 1 500 km de long pour plus de 1 100 km de large et atteignit un peu plus de 200 m de profondeur, ce qui donne une idée du volume considérable qu’il a pu représenter (se chiffrant en dizaines, voire en centaines de milliers de km3). |
↑10 | Les premiers américains, du moins le croyait-on il y a peu de temps encore, porteurs de la culture Clovis (en référence au site éponyme situé au Nouveau-Mexique et où fut exhumée pour la première fois une industrie lithique comportant des pointes caractéristiques dites de Clovis ainsi que d’autres outils spécifiques en ivoire et en os), seraient venus d’Asie par le détroit de Béring aux environs de – 13 000 ans avant le présent (d’après les datations obtenues sur le site en question). Ils auraient franchi ce détroit peu après un premier stade de réchauffement ayant débuté vers la fin de la dernière période glaciaire, détroit offrant alors un passage dans la mesure où le niveau de l’océan était à cette époque plus bas d’environ une centaine de mètres par rapport au niveau actuel, formant un pont de terre émergée entre la Sibérie et l’Alaska, accessible à pied sec. La culture Clovis fut longtemps considérée comme étant la plus ancienne du continent américain mais des indices de plus en plus probants d’une occupation préalable apparaissent aujourd’hui. Certains auteurs envisagent même de dorénavant faire remonter le premier peuplement de l’Amérique à une date nettement antérieure (vers – 50 000 ans ou – 60 000 ans avant le présent), bien que de telles suppositions demeurent très controversées. |
↑11 | Un fullerène est une molécule (dite molécule cage) de carbone, pouvant prendre la forme géométrique d’une sphère, d’un ellipsoïde, d’un tube (dit nanotube) ou encore d’un anneau, constituant la troisième forme naturelle connue de carbone (avec le graphite et le diamant). Les fullerènes, qui sont des nanoparticules, ont été découverts et synthétisés pour la première fois dans les années 1980. Leur présence fut détectée dans le milieu interstellaire ou circumstellaire, sachant que dans la nature, d’infimes quantités de ces composés peuvent apparaître dans des suies à l’issue de combustions, ainsi que lors d’éclairs dans l’atmosphère. Ils furent également mis en évidence au niveau de cratères météoritiques importants, en particulier le bassin de Sudbury, vaste structure d’impact présente en Ontario (Canada) et définie comme étant le deuxième plus grand cratère d’impact terrestre reconnu actuellement. Des fullerènes ont en particulier été décelés, en faible quantité, dans des brèches d’impact liées à ce cratère, deux scénarios étant possibles quant à leur origine : (1) synthétisés au sein du panache créé par l’impact à partir du carbone que renfermait le bolide (astéroïde ou comète) ; (2) présents initialement sous cette forme au sein du bolide, en ayant ainsi survécu à l’impact. |
↑12 | Une impactite est une roche relativement exceptionnelle produite lors de la chute d’une météorite de dimension importante, qui s’accompagne d’un métamorphisme de choc dont les conditions de pression température peuvent respectivement atteindre 105 kbars et 104 °C, ce qui entraîne une fusion (production de verres silicatés) et la précipitation de minéraux particuliers de très haute pression que sont notamment les polymorphes de la silice de type coésite ou stishovite, des pyroxènes de type jadéite ou encore certains spinelles. |