Les apports de la connaissance indigène à la gestion des risques environnementaux
L’évaluation des facteurs potentiels de dangerosité propres à la pollution d’un milieu donné est basée sur des critères objectifs de nocivité (données biologiques, chimiques ou physiques). Elle permet d’estimer la probabilité de dommages liés à l’exposition à ces éléments potentiellement toxiques. Néanmoins, une telle estimation soulève généralement des questions d’une grande complexité, et il est très rare qu’une réponse en termes simples (nocif/non nocif) soit possible.
La contamination d’aliments locaux traditionnels dans les régions arctiques en est une illustration : il s’agit le plus souvent de ressources indispensables aux peuples autochtones, tant sur le plan de leur santé et de leur bien-être que sur le plan social et culturel. Mais en même temps cette source majeure d’exposition à une pollution fait courir de graves dangers à leur santé.
Cependant, les nombreuses différences socio-culturelles entre chercheurs et responsables de santé publique, d’une part, et communautés locales, d’autre part, sont sources de fréquents malentendus.
Les perceptions et les conduites autochtones liées à la contamination de la chaîne alimentaire sont variées et mal comprises par les autorités sanitaires. Réciproquement, les campagnes de sensibilisation aux risques environnementaux en direction de ces populations sont le plus souvent conçues en des termes étrangers à leurs catégories de pensée, ce qui en compromet notablement l’efficacité.
C’est pourquoi, au Canada, les programmes de recherche en sécurité sanitaire environnementale sont désormais mis en œuvre au niveau local, et encouragent la participation des groupes les plus directement intéressés.
Récemment, une étude exploratoire sur ce que pourrait apporter la « connaissance indigène » en cette matière a été réalisée auprès de trois communautés des Premières nations, dans le territoire du Yukon.
Et les contributions se sont révélées nombreuses, tant sur le plan de la caractérisation des risques alimentaires (par exemple par l’identification de maladies ou de difformités propres aux espèces traditionnellement consommées), ou encore de la connaissance des pratiques (types d’aliments consommés, modes de capture des animaux, de préparation, contexte culturel plus large…), que des modes de communication à mettre en œuvre en matière d’information sanitaire.
La participation de représentants autochtones, considérés comme « experts », permet ainsi d’inscrire les actions de gestion des risques sanitaires environnementaux dans le contexte culturel, par une analyse en termes de bénéfices et de risques plus complète, et d’élaborer des stratégies de communication plus pertinentes en direction de ces populations.