Recherches Arctiques

Actualités de la recherche scientifique
ISSN : 2755-3755

Vitamine D et régime alimentaire au Groenland

Dans une société arctique en transition où l’alimentation traditionnelle est délaissée, quel est le risque de carence en vitamine D pour ces populations qui ne peuvent compter sur une exposition solaire suffisante ?

Un déficit en vitamine D augmente le risque de pathologies osseuses (rachitisme, ostéomalacie, ostéoporose, fractures…). Des études épidémiologiques ont lié une faible concentration en 25-hydroxy-vitamine D, la forme sous laquelle elle est mesurable dans le sang, à des maladies inflammatoires, cardiovasculaires et métaboliques, et même à certains cancers.

La production par le corps humain de vitamine D dépend de l’exposition de la peau aux UVB, donc de l’exposition au soleil. Or en Arctique les rayons ultraviolets, trop obliques, sont peu efficaces. Et avec une moyenne des températures ne dépassant pas 10°C durant le mois le plus chaud de l’année, les habitants du Groenland ont peu d’occasions de sortir en tenue de plage !

Aussi, pour assurer un apport suffisant en vitamine D, il est indispensable de compenser par l’absorption d’aliments naturellement riches en cette vitamine, ce qui est le cas de la nourriture inuite traditionnelle. Mais qu’en est-il désormais alors que cette alimentation tend de plus en plus à être abandonnée par les habitants des contrées circumpolaires ?

C’est pour répondre à cette question que des chercheurs groenlandais et danois ont mené une grande enquête qui a concerné presque 1% de la population du Groenland. Ils ont invité 505 hommes et femmes, âgés de 50 à 69 ans, à répondre à un questionnaire portant sur leurs habitudes alimentaires (y compris une supplémentation éventuelle en vitamine D), leur mode de vie (chasse, pêche), ainsi que leur indice de masse corporelle. En parallèle ils ont mesuré leur taux plasmatique de 25-hydroxy-vitamine D.

Quatre groupes ont été étudiés, constitués de :

Le restaurant thaïlandais de Nuuk

Le restaurant thaïlandais de Nuuk
Crédit photo: Razlan
Certains droits réservés – Licence Creative Commons

  • 101 non–Inuits (caucasiens d’origine danoise)
  • 150 Inuits résidant à Nuuk, la capitale du Groenland (16000 habitants). Dans cette ville de nombreux magasins et restaurants proposent un large éventail de nourritures diverses, comprenant outre la nourriture traditionnelle inuite, des plats à emporter, du « fast-food », des plats italiens, des plats thaïs, ainsi que toutes sortes d’aliments importés du Danemark
  • 141 Inuits habitant Tasiilaq, la ville principale du district d’Ammassalik.
    Le district d’Ammassalik situé sur la côte Est, au climat plus hostile et prisonnier de la banquise pendant de longs mois, est resté isolé jusqu’en 1884 et est toujours actuellement difficile d’accès. Faiblement peuplé (2 943 habitants, 93% d’Inuits), il s’étend sur 243 000 Km2. Tasiilaq (2 004 habitants) possède un magasin principal avec un choix de nourriture limité et cinq boutiques plus petites.
  • 143 Inuits vivant dans des petits habitats dispersés sur le district d’Ammassalik. Chaque habitat possède un petit magasin dont l’approvisionnement très réduit dépend de l’accès maritime ou aérien.

Les non-Inuits consomment principalement de la nourriture importée : plats préparés, pommes de terre, légumes, beurre, œufs et fruits frais. Les Inuits consomment plus de nourriture traditionnelle (phoque, baleine, gibier à plumes, poisson, renne, bœuf musqué, lièvre…), et ce, d’autant plus qu’ils ont un accès limité à des aliments commercialisés.

Séchage de poissons au Groenland

Séchage de poissons au Groenland
Crédit photo : Silje Bergum Kinsten
Domaine public – Source : Wikimedia commons

Les non-Inuits présentent le taux sanguin de 25-hydroxy-vitamine D le plus bas (moyenne : 41 nmol/l) par rapport aux Inuits (moyenne : 64 nmol/l). Ce sont pourtant eux qui prennent le plus de suppléments en vitamine D.

D’une façon générale, plus les individus consomment de la nourriture traditionnelle, plus leur taux sanguin de 25-hydroxy-vitamine D est élevé, le phoque et la baleine étant les meilleurs pourvoyeurs en vitamine D. Chez 13,8% des participants le taux sanguin de 25-hydroxy-vitamine D est inférieur à 20 nmol/l et chez 60,1 % il est inférieur à 50 nmol/l.

Les auteurs considèrent qu’il y a une carence en vitamine D quand le taux sanguin de 25-hydroxy-vitamine D est inférieur à 50 nmol/l, et estiment que pour éviter un déficit il faudrait consommer de la nourriture traditionnelle au moins trois fois par semaine. Deux facteurs tendent à accroître encore le besoin d’apport en vitamine D : la pigmentation de la peau (les Inuits ont une peau plus foncée que les caucasiens) et l’obésité (on dénombre plus d’obèses à Nuuk que dans le district d’Ammassalik).

Dans cette étude, seuls des sujets âgés de 50 à 69 ans ont été observés, ce qui peut faire sous-estimer l’impact de l’occidentalisation du mode de vie de la société groenlandaise, les personnes âgées consommant volontiers plus de nourriture traditionnelle. Mais ce choix de tranche d’âge a permis d’obtenir un large échantillon représentant presque 1% de la population du Groenland : le taux de réponse au questionnaire (95%) a été exceptionnellement élevé. Les auteurs ont prévu de futures études qui concerneraient des groupes plus jeunes. En effet ces derniers, ayant tendance à consommer majoritairement de la nourriture importée, constituent une population encore plus à risque de carence.

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