Recherches Arctiques

Actualités de la recherche scientifique
ISSN : 2755-3755

Les jardiniers de l’Arctique

Il n'y a pas que le vent qui participe à la dissémination des graines de la toundra, les animaux y contribuent aussi...

Le boeuf musqué, la bernache nonette, le renard polaire ou encore le lièvre arctique ont un point commun : ils peuvent participer à la dispersion des plantes et au maintien de la richesse des communautés végétales par leur alimentation.

Boeufs musqués et oies

Boeufs musqués et oies
Crédit photo : Education specialist
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La dispersion des graines est un processus important pour la propagation et la persistance des populations végétales. Elles peuvent être ingérées par les mammifères et les oiseaux, intentionnellement ou accidentellement, et transportées à des distances plus ou moins grandes, avant qu’elles ne soient rejetées. On les qualifie alors d’endozoochores, c’est-à-dire dispersées par les animaux (zoochorie) après leur passage dans l’appareil digestif, où les sucs ramollissent leurs coques dures.

L’efficacité de la dispersion dépend de la survie de la graine, de la durée du transit digestif et du déplacement de l’animal. Leur « largage » peut contribuer à augmenter localement le phénomène de pluie de graines (« seed rain »), et potentiellement élever la richesse du milieu si de nouvelles espèces végétales sont apportées par les animaux.

L’objectif de l’étude menée par des chercheurs scandinaves est d’estimer la proportion de ce type de graines endozoochores dans la végétation afin de préciser ces interactions entre animaux et végétaux. Pour cela, un écosystème préservé de la toundra du haut Arctique, pour lequel il n’existe aucune donnée quantitative de graines zoochores, a été pris en exemple. Reste à savoir si les vertébrés de cette région contribuent significativement à la richesse spécifique [1]Richesse spécifique : nombre d’espèces de la faune ou de la flore présentes dans un espace considéré. de la flore.

L’étude se situe dans la région libre de glace du Zackenberg, dans le Parc national du nord-est du Groenland. La végétation y est dominée par des graminées et des arbrisseaux nains, tels que le saule arctique, la dryade à huit pétales, ou la myrtille des marais.

Lièvre arctique, Parc national du Grand Morne, Québec, Canada

Lièvre arctique, Parc national du Grand Morne, Québec, Canada
Source : Wikimedia

En analysant les graines viables retrouvées dans les déjections des animaux, les scientifiques constatent qu’un grand nombre de propagules [2]Propagule : unité de propagation d’une plante (spore, graine, bourgeons…) transportée par les animaux, l’air, l’eau…

Pour plus d’informations sur les modes de dispersion des plantes, voir propagule dans Wikipédia.
se retrouvent dans les matières fécales des boeufs musqués et des bernaches nonettes. Alors que ces petites oies sont connues pour être plutôt des vecteurs de plantes aquatiques, de nouvelles espèces végétales telles la festuque alpine (Festuca brachyphylla) et la renouée vivipare (Polygonum viviparum) sont apportées par ces oiseaux. Les boeufs, au transit digestif lent, introduisent localement de nouvelles plantes comme la renoncule pygmée. La part du lièvre arctique est moins importante dans la propagation des graines car leur temps de transit digestif plus long réduit les chances de survie de ces dernières. On retrouve peu de propagules chez le renard polaire, ponctuellement frugivore, en raison de la période d’étude située avant la saison de fructification et d’un régime alimentaire plutôt marin à cette période de l’année.

Regroupés, ces résultats indiquent que la potentialité d’être un bon vecteur dépend plus du comportement alimentaire et des caractéristiques digestives de l’animal que de sa taille. En dépit des disparités dans le nombre de graines transportées par les différents vertébrés, l’endozoochorie constitue un mode de propagation et de dispersion essentiel des graines sur de grandes distances. Les animaux endozoochores, semeurs involontaires d’espèces végétales de la toundra, forment ainsi une catégorie de « jardiniers » d’une grande importance à l’échelle du paysage.

Or, le réchauffement global peut repousser l’aire de répartition de certaines espèces animales et végétales plus au nord. En répondant au changement climatique, les animaux de l’Arctique participent eux aussi à la « migration » des végétaux vers de plus hautes latitudes et à la modification en cours des paysages.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Richesse spécifique : nombre d’espèces de la faune ou de la flore présentes dans un espace considéré.
2 Propagule : unité de propagation d’une plante (spore, graine, bourgeons…) transportée par les animaux, l’air, l’eau…

Pour plus d’informations sur les modes de dispersion des plantes, voir propagule dans Wikipédia.

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