Russie : en Sibérie, la ruée vers l’or gris
La corne de brume retentit dans le port de Sabetta. Le brise-glace Moscou achève sa rotation : la route est tracée pour les navires qui arriveront dans la journée. Derrière lui, dans la poussière de neige, de petits renards polaires tournoient parmi les bris de glace, l’air déboussolé. A la barre, son capitaine se délecte du spectacle panoramique. «J’ai constamment l’impression d’être devant une chaîne de télé de découverte !» Ruslan Mikhailov a pris ses fonctions en 2014 sur l’infrastructure gazière Yamal LNG. La glace de Sabetta n’avait pas été brisée depuis l’ère soviétique.
Yamal, la péninsule du «bout du monde»
Dans la langue des Nenets, grand peuple nomade du nord de la Sibérie, Yamal signifie «bout du monde». On peine à trouver mots plus justes pour décrire cette péninsule déserte et glacée qui s’avance sur 700 kilomètres de long dans la mer de Kara. Le district autonome de Iamalo-Nenetsie, une fois et demie plus grand que la France, fut un territoire longtemps oublié et inexploité, avant l’arrivée, dans les années 1930, de prisonniers du goulag qui en bâtirent les premières infrastructures, notamment les chemins de fer. Moscou y envoya ensuite des fonctionnaires dans l’optique de peupler ce désert glacé où seuls les Nenets, peuple d’éleveurs de rennes, plantaient leurs tchoum, leurs tentes en peau, lors de la transhumance des troupeaux. L’exploration gazière de la région commença, elle, dans les années 1950. Depuis, Yamal a perdu sa virginité. Des villes ont été créées ex-nihilo. Des entreprises, à l’instar du géant gazier russe Gazprom, ont investi la péninsule…