Recherches Arctiques

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ISSN : 2755-3755

Amiral Lebas : « On sent bien que la question arctique provoque des crispations »

Publié le 01.02.2022 - Interview de l'Amiral Olivier Lebas du 12/01/2022 sur Mer et Marine (propos recueillis par Caroline Britz)
Le vice-amiral d'escadre Olivier Lebas est préfet maritime de l'Atlantique et commandant de la zone maritime Atlantique. Il fait le point avec Mer et Marine sur les enjeux de l'Atlantique nord et de la région arctique, théâtre de nombreux défis, qu'ils soient économiques, environnementaux ou géostratégiques

MER ET MARINE : Comment qualifierez-vous la zone Atlantique nord, qui se trouve actuellement sous votre commandement militaire ?

AMIRAL OLIVIER LEBAS : C’est un espace complexe qui se compose de deux grandes zones, l’Atlantique nord et la région subarctique. On y trouve actuellement de nombreux enjeux parmi lesquels se trouve au premier rang la liberté de navigation, à laquelle la France et ses alliés européens et de l’OTAN sont strictement attachés. Il y a aussi des enjeux d’utilité économique, comme par exemple les câbles sous-marins qui voient passer 99% du flux internet national.

C’est aussi un espace de contestation, de compétition. On y voit nettement le retour des jeux de puissance, des pays compétiteurs qui remettent en cause le droit international, qui privilégient les rapports de force au multilatéralisme. On assiste dans cette zone, avec notamment la Russie, au même scénario qu’en Méditerranée orientale avec la Turquie ou dans une zone océan Indien avec la Chine ou l’Iran. Cette tendance est un facteur de risque et d’instabilité dans un monde plus dangereux où l’on assiste à un important réarmement. La mer est un espace commun et on y voit d’autant mieux l’exercice de ces rapports de force qui restent néanmoins sous le seuil d’un déclenchement de conflit.

Et pour spécifiquement la zone Atlantique nord, le compétiteur principal est la Russie ?

C’est effectivement très marqué. La Russie y envoie régulièrement des messages stratégiques vis-à-vis du monde occidental, qui visent notamment à diviser les Européens. Mais, de notre côté, nous avons un dispositif déployé pour appuyer le discours politique, qu’il soit national, à travers nos unités de combat, ou européen, au travers de nos coopérations avec les pays de la région. Nous testons régulièrement ce dispositif et il fonctionne bien. Il le faut, parce qu’en face, côté russe, nous assistons à un important réarmement et un déploiement de moyens. Que ce soit du côté des sous-marins, des missiles balistiques avec des capacités hyper-véloces…. On assiste à des démonstrations de tous ces moyens dans une proportion qui peut parfois rappeler la guerre froide. De notre côté, il s’agit de montrer que nous sommes bien là, en face. Nous le faisons parfois en tant que Marine nationale, le plus souvent dans un cadre international, celui de l’OTAN principalement qui offre une interopérabilité efficace et éprouvée.

Comment considérez-vous spécifiquement la zone de l’Arctique ?

Là aussi on y trouve de nombreux enjeux. Evidemment, ceux liés au changement climatique et au réchauffement, pour lesquels l’Arctique est un témoin et une victime. Economique, avec la question des ressources qu’on y découvre, comme par exemple le gaz de Yamal. Et encore une fois, des enjeux sécuritaires.

La question des nouvelles routes commerciales du Nord est évidemment cruciale. Le passage du Nord-est est encore loin de devenir une route navigable très fréquentée mais elle pourrait devenir à moyen terme une voie commerciale importante. La Russie veut protéger ses ressources et cette voie le long de ses côtes. Cela devient un enjeu de compétition supplémentaire. Surtout quand celui-ci s’accompagne de prétentions de souveraineté contestables, au point de vue du droit international, de sa part. En témoignent ainsi ses velléités sur une appropriation de l’espace maritime jusqu’au  pôle Nord.

On sent bien que la question arctique provoque des crispations et un regain d’intérêt de plus en plus marqués. Non seulement des pays riverains, mais aussi de nations beaucoup plus lointaines. On voit ainsi un retour en force des Etats-Unis sur la question. De la Chine également, de plus en plus active dans la région, avec la route de la soie du Nord, les investissements à Yamal ou au Groenland ou encore la récente construction de brise-glaces…

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