Recherches Arctiques

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ISSN : 2755-3755

Arctique : « Avec la disparition de la banquise d’été, c’est un pilier de notre système climatique que l’on perd »

Publié le 13.06.2023 - Interview d'Heïdi Sevestre publiée le 09/06/2023 sur 20 Minutes (propos recueillis par Fabrice Pouliquen)
Des étés sans glace de mer en Arctique seront probables dès 2030, bien plus tôt qu’imaginé, conclut une étude parue dans « Nature Communications ». La glaciologue Heïdi Sevestre explique à « 20 Minutes » pourquoi cela nous concerne tous

  • Dans de nouvelles simulations, des scientifiques estiment que l’Arctique pourrait être privé de glace de mer (banquise) en été dès les années 2030. Près d’une décennie plus tôt que ce que prévoyait le Giec.
  • Or, cette banquise est à voir comme le grand climatiseur de l’Arctique qui, en disparaissant, accélérera un peu plus encore le réchauffement dans cette région. Une région où tout va déjà plus vite qu’ailleurs, explique Heïdi Sevestre.
  • Avec cette disparition de la banquise l’été, « c’est un pilier de notre système climatique mondial qu’on est en train de perdre », avertit la glaciologue française.

Une décennie plus tôt que les projections du Giec… L’Arctique pourrait être privé de glaces de mer (banquise), en été, dès les années 2030, alertent cette semaine des scientifiques coréens, canadiens et allemands dans la revue Nature Communications. Par absence de glace, cela veut dire une surface inférieure à 1 million de km2, car il pourra toujours rester de la glace résiduelle le long des côtes, détaillent les auteurs. Qui pointent les émissions de gaz à effet de serre comme principale cause à cette évolution d’ores et déjà inéluctable.

Une mauvaise nouvelle de plus sur le front du changement climatique. Et celle-ci est de taille, insiste la glaciologue française Heïdi Sevestre, membre de l’Amap, le programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique et récompensée l’an dernier de la médaille Shackleton pour la protection des régions polaire. « Je n’ai jamais vu un article scientifique aussi puissant de toute ma carrière », lance-t-elle. Heïdi Sevestre explique pourquoi à 20 Minutes.

Comment expliquer que cette fonte des glaces en Arctique se révèle bien plus rapide que prévu ?

La science avance très vite – peut-être pas assez – dans la compréhension du changement climatique. C’est une sorte de course contre la montre. On voit arriver de nouveaux outils, de nouvelles techniques, le socle de connaissances et de données sur lequel s’appuyer s’étoffe.

Et plus on avance, plus on se rend compte que les conséquences du changement climatique sont beaucoup plus avancées qu’on ne le pensait. En particulier sur les glaciers. Cette étude en est un nouvel exemple. Certes, on savait déjà qu’on risquait d’avoir des étés sans banquise en Arctique. Mais en se basant sur les observations depuis les années 1970 et jusqu’en 2019, et en les confrontant aux derniers modèles de simulation et aux derniers scénarios, ces scientifiques concluent que cette situation pourrait arriver dès le début des années 2030. Quasiment demain, donc.

Pourquoi ces scientifiques prennent-ils le mois de septembre comme référence ?

La banquise a un fonctionnement cyclique sur l’année. L’hiver, elle s’étend, l’été, puisqu’il fait un peu plus chaud, elle prend naturellement moins de place. Septembre est justement le moment où la superficie est à son minimum, si bien que ce mois sert de référence pour mesurer le bilan de santé de la banquise.

Il est probable que cette disparition commence en septembre puis s’étende, petit à petit, aux autres mois de l’été. Il ne faut pas croire non plus qu’à compter de 2030, on n’aura subitement plus jamais de glaces de mer l’été en Arctique. Il y aura toujours des années avec et d’autres sans. Mais on devrait passer d’un phénomène ponctuel à quelque chose de plus en plus récurrent.

Qu’est-ce qui fait que les pôles Nord et Sud se réchauffent beaucoup plus vite que le reste de la planète ?

La région Arctique se réchauffe globalement quatre fois plus vite, et c’est en grande partie dû à cette fonte de la banquise. Il faut la voir comme le climatiseur de l’Arctique.

C’est principalement une histoire d’albédo [le pouvoir réfléchissant d’une surface]. La banquise est une très grande surface blanche qui renvoie le rayonnement solaire – et donc la chaleur- dans l’Espace. Lorsque cette glace fond, elle laisse place à l’océan, dont la surface est bien plus sombre. Ce dernier absorbe donc le rayonnement solaire et emmagasine cette chaleur. En France, on a la même chose avec les Alpes, qui se réchauffent deux fois plus vite que le reste du pays, toujours parce que les zones de glaces et de neige s’amenuisent petit à petit…

Lire la suite de cette interview sur 20 Minutes

Voir également l’interview d’Heïdi Sevestre publiée le 10/06/2023 sur Ouest-France (propos recueillis par Philippe Mathé)

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