Arctique : Les trois territoires du Canada redoutent les ambitions de la Russie
Cette inquiétude, ils l’ont exprimée au premier ministre Justin Trudeau dans une lettre au printemps dernier, révèlent des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.
Ils y soulignent les investissements de la Russie pour construire de nouveaux ports et de nouvelles infrastructures dans cette région de plus en plus convoitée pour ses ressources naturelles, plus accessibles en raison des changements climatiques, sans compter l’ajout de brise-glace russes et une présence militaire plus forte.
« Les premiers ministres du Nord voient l’agression de la Russie comme une menace à la santé des communautés de l’Arctique et aux valeurs de paix et de coopération qui guident les affaires de l’Arctique. Nous sommes de plus en plus inquiets au sujet de la défense et de la sécurité de l’Arctique », affirment le premier ministre du Yukon, Sandy Silver, la première ministre des Territoires du Nord-Ouest, Caroline Cochrane, et le premier ministre du Nunavut, P. J. Akeeagok, dans leur missive commune à Justin Trudeau.
« Au cours des dernières années, la Russie s’est lancée dans un ambitieux programme pour renforcer sa présence dans l’Arctique. […] Tandis que les investissements globaux et les intérêts de la Russie vont en croissant, nous craignons que l’agression russe s’impose inévitablement dans les affaires de l’Arctique ».
Les premiers ministres craignent aussi que les travaux du Conseil de l’Arctique, qui regroupe huit pays (Canada, Russie, États-Unis, Suède, Danemark, Finlande, Norvège et Islande) soient paralysés à cause de la guerre.
La Russie occupait la présidence de cette organisation pour une période de deux ans depuis mai 2021, mais les autres pays membres refusent toute collaboration avec le régime de Vladimir Poutine depuis son agression.
M. Trudeau a tenté de rassurer les trois premiers ministres lors d’une téléconférence au cours de laquelle il a énuméré des mesures que compte prendre son gouvernement pour assurer la protection de la souveraineté du Canada dans le Grand Nord, notamment les investissements dans la modernisation du NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord) et la défense du continent.
Le gouvernement Trudeau entend y consacrer 4,9 milliards de dollars au cours des six prochaines années et près de 39 milliards sur une période de 20 ans. La ministre de la Défense, Anita Anand, a aussi discuté de la protection de la souveraineté de l’Arctique avec les trois premiers ministres au printemps.
Mais est-ce assez ?
Selon le lieutenant-colonel des Forces armées canadiennes (FAC) à la retraite Rémi Landry, les premiers ministres des trois territoires ont tout à fait raison de sonner l’alarme.
« On n’en fait pas assez dans le Grand Nord. On a des problèmes dans cette région. On a un port en Arctique qui n’est pas encore terminé. On a décidé d’avoir des infrastructures militaires à Resolute Bay où on pourrait entraîner des gens. Ce n’est pas encore terminé. Oui, on fait trois exercices majeurs l’été, mais il n’en demeure pas moins que le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon sont des territoires canadiens. Il serait peut-être temps de montrer qui est maître dans notre maison », a commenté M. Landry, qui est professeur associé à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke…
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