Au Groenland, la croisière d’expédition aborde un monde inuit en pleine mutation
La Terre verte d’Erik le Rouge est blanche ! À son retour d’exil, en l’an 986, l’explorateur viking avait vanté à ses contemporains les rivages fertiles d’une Green Land devenue Groenland. La mince bande côtière de ce subcontinent arctique se couvre toujours de prairies fleuries en été. Mais le reste n’est que chaos de glaces : les quatre cinquièmes de sa surface sont couverts par l’inlandsis. Épaisse de 3.000 mètres par endroits, cette calotte représente 12 % du volume de glace sur la planète ! Dissimulé sous cet épais manteau polaire, le Groenland est pourtant un espace en mouvement, sauvage et d’une beauté primitive. Les passagers de L’Austral en font l’expérience tout le long de leur navigation en mer de Baffin.
Parti du fjord de Kangerlussuaq, au fond duquel se trouve l’unique aéroport du pays capable d’accueillir de grands avions, L’Austral louvoie entre les glaçons géants dès son troisième jour de voyage. Le navire d’expédition de la compagnie française Ponant est le premier de l’année à s’aventurer dans la baie de Disko, sur la côte occidentale du Groenland. Les icebergs qui défilent à quelques mètres de sa coque renforcée proviennent du fjord glaciaire d’Ilulissat, qui produit à lui seul 10 % des spécimens du pays. Ces monuments flottants, vêlés sous la pression d’une calotte en perpétuel glissement vers l’océan, sont les balises quotidiennes de ce périple en bateau. Aucune route ne reliant les localités du pays, prendre la mer est le seul moyen de les découvrir.
De Sisimiut, la deuxième « ville » du Groenland avec 5.600 habitants, jusqu’au village hyperboréal de Kullorsuaq, la croisière polaire plonge les visiteurs dans une nature grandiose, au contact d’une civilisation millénaire. L’histoire moderne a voulu que les Groenlandais deviennent citoyens danois. Mais d’un point de vue géographique comme culturel, le pays relève de l’Amérique du Nord. Depuis 1979, son nom officiel est d’ailleurs Kalaallit Nunaat. Ces deux mots, qui ne figurent que rarement dans nos atlas, désignent la « Terre des Inuits ».
Rencontres du bout du monde
Bien que le Groenland bénéficie d’une autonomie renforcée depuis 2009, la couronne du Danemark assure toujours les deux tiers du budget de son outre-mer polaire. Décidée à prendre son destin en main, l’île-continent affiche pourtant de grandes ambitions. Assise sur une mine d’or noir, elle rêve déjà de voler de ses propres ailes. Pétrole et terres rares pourraient assurer sa fortune. Mais le gouvernement local, pourtant favorable à l’indépendance, refuse de vendre son âme aux investisseurs internationaux. Un moratoire interdit l’exploitation des hydrocarbures et de l’uranium au nom d’une autre forme de richesse : l’environnement. Mais pour combien de temps encore ?
Quatre fois plus grande que l’Hexagone, Kalaallit Nunaat n’abrite pas assez d’habitants pour remplir le stade de France : à peine 57.000 personnes, dont 70 % d’Inuits. Ces derniers, descendants des Thuléens venus d’Alaska, ont longtemps résisté aux pressions de l’économie de marché. Ils mènent désormais une double vie : traditionnelle et connectée. Nuuk, la capitale, rassemble près d’un tiers de cette population qui s’adapte, depuis les années 1980, aux charmes et aux méfaits de l’urbanisation. Une fois leur cargaison déchargée, les pêcheurs du XXIe siècle arpentent les rues le portable collé à l’oreille. Et dans les maisons chauffées au fuel, les écrans plats reçoivent les chaînes internationales par satellite tandis que les crânes de rennes et de bœufs musqués ornent toujours les portes d’entrée…
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