Recherches Arctiques

Actualités de la recherche scientifique
ISSN : 2755-3755

Augmentation des émissions naturelles de soufre par l’océan Arctique due à la fonte des glaces

Publié le 17.09.2019 - Actualité du CNRS-INSU du 12/09/2019
Le sulfure de diméthyle, un gaz produit par le plancton marin, favorise la formation d’aérosols. Des chercheurs d’une équipe internationale impliquant l’UMI Takuvik (CNRS / Université Laval) ont rapporté des données de télédétection suggérant que les émissions de ce gaz dans l’Arctique ont augmenté d’environ 13 gigagrammes de soufre par décennie depuis 1998, une augmentation de 33~% par décennie. Ceci s’explique par la diminution de la couverture de glace de mer dans l’Arctique. La perte totale de glace au cours de l’été pourrait entraîner une augmentation par 2,4 des émissions par rapport aux taux actuels, ce qui pourrait ralentir le réchauffement climatique en cours

À mesure que la couverture de glace de mer dans l’Arctique diminue en raison du réchauffement climatique, l’activité du phytoplancton marin augmente, tout comme les émissions de gaz des microbes marins. L’un de ces gaz, le sulfure de diméthyle (DMS), est la principale source naturelle de soufre atmosphérique dans les régions peu influencées par les émissions terrestres et anthropiques, comme l’océan Arctique en été. Dans ces conditions, les réactions chimiques du DMS dans l’atmosphère entraînent la formation de nouvelles particules atmosphériques (aérosols) qui contribuent à la formation des nuages, modifiant leur capacité à réfléchir la lumière solaire, et à isoler l’océan des pertes de chaleur dans l’atmosphère. S’agissant de deux effets climatiques opposés, l’estimation précise des émissions naturelles de soufre est nécessaire pour clarifier lequel des deux processus est dominant à l’échelle régionale et à quelle période de l’année, bien que dans l’ensemble de l’Arctique on estime que l’effet refroidissant est dominant.

Dans cette étude, les émissions de DMS dans l’océan Arctique ont été quantifiées pour la première fois, entre 1998 et 2016, à l’aide de la télédétection de la biomasse phytoplanctonique (concentration de chlorophylle) et de variables physiques (y compris la lumière incidente, la température de surface de l’océan et la couverture de glace). L’étude fait état d’une tendance à la hausse rapide d’environ 33 % par décennie, en raison de la perte de glace de mer. Les auteurs estiment aussi que la perte totale de glace de mer de l’Arctique en été, qui pourrait se produire dans les prochaines décennies, augmenterait les émissions de DMS de 2 à 3 fois par rapport aux taux actuels. Au-delà de l’augmentation liée à la perte de glace, l’étude rapporte des variations considérables d’une année à l’autre. Il s’agit d’une conséquence des variations de la productivité du plancton, selon les régions où les retraits de glace sont plus vastes chaque année. Cette variabilité des émissions, qui ne peut être étudiée que par télédétection, n’est pas prise en compte dans les modèles climatiques actuels.

Les données présentées dans cet article sont utilisées par les chercheurs qui étudient les phénomènes atmosphériques pour mieux comprendre les détails de la chimie atmosphérique dans l’environnement arctique . Mais le rôle des émissions marines de DMS dans le futur climat de l’Arctique dépendra non seulement du retrait des glaces et de la productivité du plancton, mais aussi des espèces de phytoplancton présentes et de leur réponse aux changements de l’écosystème. En plus, les émissions naturelles de soufre sont en concurrence avec les émissions anthropiques. Des études précédentes ont rapporté une diminution des émissions de soufre liées à la production d’énergie aux pays industrialisés. Néanmoins, des nouvelles émissions en raison de l’industrialisation croissante de l’Arctique, de l’augmentation du transport maritime et de l’extraction du pétrole pourraient compenser cette tendance. Enfin, les résultats de cet article aideront à comprendre les rétroactions entre les microbes marins et le climat arctique et à prévoir leurs trajectoires futures sous la pression des changements globaux.

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