Ces baleines qui ne migrent plus
La fonte des calottes polaires a de nombreuses conséquences sur le climat, le niveau des mers, la biodiversité, les modes de vie des peuples autochtones… Les travaux d’Angela Szesciorka et de Kathleen Stafford, de l’université de l’Oregon, aux États-Unis, en apportent une nouvelle preuve : elle concerne l’une des quatre populations de baleines boréales Balaena mysticetus se répartissant autour du cercle Arctique, celle qui hante les mers des Tchouktches et, plus au sud, de Béring. C’est la moins menacée des quatre.
D’ordinaire, les cétacés, qui atteignent parfois l’âge de 200 ans, passent l’été et l’automne dans le nord et migrent l’hiver en traversant le détroit de Béring, où l’Alaska et la Sibérie sont les plus proches. Lors de ce périple, ils suivent la glace de mer qui s’étend progressivement de l’Arctique vers le sud en hiver. De fait, ces animaux sont inféodés à cette glace qu’ils utiliseraient comme protection (ce qui ne les empêche pas de la percer pour respirer grâce à leur tête massive) et pour améliorer, par des phénomènes de réflexion des ondes sonores, la communication entre individus, crucial quand on sait que cette espèce « chante » 24 heures sur 24 pendant cinq mois en hiver !
Or, depuis une dizaine d’années, le réchauffement des températures a entraîné un déclin de la glace de mer : le détroit de Béring ne se referme presque plus pendant les mois d’hiver. Quelles conséquences sur les baleines boréales ? Pour répondre, les deux biologistes ont utilisé les données de suivi (sur la base d’enregistrements sonores) de ces mammifères dans le sud de la mer des Tchouktches couvrant la période de 2009 à 2021. L’analyse confirme d’abord que les migrations sont bel et bien commandées par la formation de glace de mer. Ensuite, à partir de 2012-2013, certains cétacés ne franchissaient plus le détroit de Béring.
Ces modifications comportementales ont de multiples effets, notamment une compétition accrue pour les ressources alimentaires au sein de l’espèce mais aussi avec d’autres animaux, une augmentation des risques de collision avec les bateaux, toujours plus nombreux autour de l’Arctique, justement en raison du recul des glaces…
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