Climat : avant même l’été, l’Arctique atteint un pic de chaleur exceptionnel
En Sibérie, au-dessus du cercle arctique, il faisait 25,4°C, le vendredi 22 mai 2020. Cette température se situe tout simplement 25,4 degrés au-dessus de la température normale pour l’époque dans la région, habituellement de zéro degré.
Ces 25,4 degrés ont été enregistrés plus particulièrement dans la ville de Khatanga, qui bat au passage son record de chaleur en cette période, autrefois de 12 degrés. Le record mensuel est également battu : la température moyenne à l’échelle du mois est de 30 degrés, alors qu’elle n’avait pas dépassé 20 degrés jusqu’alors.
La fonte estivale a déjà commencé
Ces températures dans la péninsule de Taïmyr, partie arctique de la Sibérie, « dépassent l’imaginable » a noté le météorologue Gaétan Heymes sur Twitter, qui ajoute que cela pourrait encore durer. Même constat pour le chercheur finnois Mika Rantenen. S’il rappelle que la Sibérie peut connaître un été chaud, il précise que « 30.5°C au sein du cercle arctique en mai est vraiment exceptionnel ». La vague de chaleur touche en réalité tout le cercle arctique depuis la mi-mai. Car au-delà de la Sibérie, on enregistre même bien plus que les 25,4 degrés : les températures touchent les 26, 28, 30 degrés. Comme le rappelle le climatologue Martin Stendel dans le Washington Post, le pic est d’autant plus exceptionnel que l’on ne trouve pas d’équivalent depuis 1958, date à laquelle on a commencé à enregistrer les données climatiques dans la région.
Contacté par Numerama, Gaétan Heymes nous explique que cet « événement météo exceptionnel » est causé par « la formation d’un dôme d’air chaud et sec en altitude, un blocage anticyclonique, du même type que ceux qui génèrent les canicules en Europe l’été ». Si personne ne peut se prononcer sur un lien direct et irréfutable entre cet épisode et le changement climatique, Gaétan Heymes rappelle que la vague de chaleur a clairement des sources contextuelles.
« Le cycle de rétroaction positive via l’albédo et la forte absorption de la chaleur par les sols moins enneigés joue un rôle indéniable pour l’obtention de forte chaleur au-delà du cercle arctique », nous explique le météorologue. En clair, un hiver plus doux (donc plus chaud sur l’échelle des températures) a provoqué une moindre persistance des neiges en Sibérie sur le printemps. En l’absence de cette neige, la lumière du Soleil se reflète moins, le sol absorbe plus de chaleur, les températures augmentent, la neige continue alors de fondre davantage, et ainsi de suite.
Cet hiver plus doux dans le Nord est, quant à lui, a causé une « anomalie de circulation en Arctique, l’oscillation arctique positive qui favorise une concentration du vortex polaire au-dessus du pôle ». Une anomalie de circulation provoque une persistance des anticyclones, lesquels favorisent un temps sec et ensoleillé. Ces anomalies dans la circulation de l’air ne sont plus vraiment surprenantes pour la région, nous précise Gaétan Heymes. « Elles s’inscrivent dans le schéma bien connu de l’amplification arctique ». En effet, face à un équilibre changeant, l’Arctique connaît un réchauffement plus rapide que la moyenne planétaire. En somme : la corrélation partielle entre le changement climatique et ce pic est clairement visible, mais la causalité n’est pas établie…