Recherches Arctiques

Actualités de la recherche scientifique
ISSN : 2755-3755

Comment des scientifiques soviétiques ont dérivé 274 jours sur un iceberg

Publié le 15.04.2020 - Article de Boris Egorov du 02/03/2020 sur Russia Beyond
Ils ont été les premiers au monde à entreprendre une telle aventure. Le froid, le vent et la fragilité de la glace ont cependant rendu leur dérive mortellement dangereuse

Le 6 juin 1937 a marqué une étape importante dans l’histoire de l’exploration de l’Arctique. C’est ce jour-là que des scientifiques soviétiques ont officiellement inauguré la première station dérivante de recherche polaire au monde, baptisée Pôle Nord-1.

Quatre membres de l’expédition et un chien nommé Vessioly (« Joyeux, amusant » en russe) sont devenus les habitants temporaires d’un énorme floe (bloc plat de glace de mer) de trois kilomètres sur cinq et d’un peu plus de trois mètres d’épaisseur. Il était alors prévu que pendant que ce radeau de glace dériverait vers le sud en direction du Groenland, les explorateurs polaires mèneraient diverses études.

Dans les années 1930, l’étude de l’hostile région arctique était beaucoup plus difficile qu’à notre époque, où l’on dispose de brise-glaces à propulsion nucléaire. La station dérivante était ainsi censée permettre la conduite de recherches scientifiques presque toute l’année, ce qui était impossible à faire par d’autres méthodes. Les scientifiques du Pôle Nord-1 avaient ainsi pour missions d’effectuer des observations météorologiques, de collecter des données hydrométéorologiques, hydrobiologiques et géophysiques, de mesurer les profondeurs de l’océan le long de l’itinéraire du floe et de prélever des échantillons des fonds marins. En outre, les explorateurs polaires devaient assurer les communications radio et les bulletins météorologiques pour le tout premier vol sans escale de l’URSS vers les États-Unis via le pôle Nord, entrepris par l’équipage de Valeri Tchkalov.

Les réserves de nourriture pour la station ont été préparées avec un excédent, pour 700 jours. Personne ne s’attendait à ce que l’expédition dure aussi longtemps, mais les organisateurs se préparaient à la perte d’une partie des stocks et ne se d’ailleurs sont pas trompés. « Depuis le continent, nous avons emporté 150 kilos de pelmenis », a écrit dans ses mémoires intitulées Glace et flamme le directeur de la station Pôle Nord-1 Ivan Papanine. « Ils étaient congelés, mais le long trajet et le printemps les ont transformés en bouillie à l’odeur désagréable. Nous avons dû les jeter, et prendre des carcasses de porc et de bœuf à la place. Au pôle, une autre perte a été découverte : les rumstecks, si amoureusement préparés par les meilleurs cuisiniers, se sont aussi avérés immangeables ». À plusieurs reprises, les scientifiques ont tenté de tirer sur un phoque barbu et une famille d’ours polaires, mais sans succès.

Les explorateurs polaires étaient en outre logés dans une tente de près de quatre mètres de haut, isolée par deux couches de duvet d’eider. De plus, ayant réalisé la valeur de la neige en tant que matériau de construction, les scientifiques se sont construit un véritable « palais » enneigé. L’équipement de l’expédition comprenait quant à lui des tentes spéciales imperméables, deux bateaux gonflables, deux kayaks et un traîneau léger en frêne.

La station a donc dérivé vers le sud à une vitesse assez élevée d’environ 20 miles par jour (32 kilomètres). « Le floe nécessitait un travail continu et acharné. Nous étions si fatigués les premières semaines que parfois je n’arrivais pas à prendre en main un crayon pour faire une énième entrée dans le journal », a témoigné Papanine…

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