Comment la Russie s’assure-t-elle le contrôle de l’Arctique ?
Vladimir Poutine entend bien étendre son emprise sur l’Arctique. Cette région fragilisée par le réchauffement représente, vue de Moscou, une abondante réserve de matières premières et d’opportunités commerciales. La Russie a donc fait de l’exploitation de ce territoire, riche en pétrole, gaz et minerais, une priorité stratégique.
L’Arctique est ainsi devenue la tête de pont pour les exportations russes de gaz naturel liquéfié (GNL) produit sur la péninsule de Yamal par le russe Novatek et le français Total. « La zone arctique a un potentiel énorme. En terme de ressources, on parle de 15 milliards de tonnes de pétrole et cent mille milliards de m3 de gaz. Assez pour des dizaines voire des centaines d’années », soulignait en septembre le vice-Premier ministre, Alexandre Novak.
L’autre enjeu du contrôle de l’Arctique, c’est la route maritime du nord. Cette voie navigable, moitié moins longue que celle du Canal de Suez, doit simplifier la livraison d’hydrocarbures à l’Asie du Sud-Est en reliant les océans Atlantique, Pacifique et Arctique. Jadis empruntable uniquement en été, elle devient chaque jour un peu plus praticable avec la fonte de la banquise.
Une flotte de brise-glaces nucléaires
Pour y assurer sa suprématie, Moscou y fait donc sillonner une flotte de brise-glaces nucléaires. « Un tiers de notre territoire se situe au-delà du cercle polaire », constate Dmitri Loboussov, le capitaine du navire « 50 let Pobedy » (50 ans de la Victoire). « Par conséquent, nos ancêtres maîtrisaient déjà la navigation en eaux gelées. Et nous continuons, avec succès », poursuit l’officier en charge du brise-glace.
Cette flotte, sous la houlette du géant de l’énergie atomique Rosatom, est unique au monde car « seule la Russie a une telle route, où ces brise-glaces sont en demande », note Sergueï Kondratiev, expert auprès du think tank indépendant Institute for Energy and Finance. Lorsqu’en mars 2021, le Canal de Suez a été bloqué plusieurs jours à cause d’un porte-containers échoué, Moscou en a profité pour marteler que sa voie arctique n’est plus un rêve lointain, mais une réalité en plein développement.
Rosatom doit ainsi porter dans les cinq prochaines années de cinq à neuf le nombre de ses brise-glaces nucléaires. L’objectif: atteindre un trafic arctique de 80 millions de tonnes de marchandises par an d’ici 2024 et 160 millions en 2035, contre quelque 33 millions en 2020. On reste encore loin du milliard de tonnes transitant par Suez tous les ans…
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