Recherches Arctiques

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ISSN : 2755-3755

De l’ivoire au clonage, la chasse aux mammouths ne faiblit pas

Publié le 29.06.2020 - Article de Caroline Briner du 21/05/2020 sur RTS
Entre 20 et 30 tonnes d'ivoire de mammouth sont mis au jour chaque été en Arctique sibérien. Parfois, des corps complets apparaissent, suscitant des espoirs de résurrection de cet animal. Diffusé par Les Docs de la RTS, le film "Genesis 2.0" expose les enjeux de la biologie synthétique

Chaque été, des dizaines de Yakoutes (Russes turcophones) se rendent sur les îles de l’Arctique sibérien pour trouver des défenses de mammouth. Souvent portés par le besoin impérieux de faire vivre leur famille, certains parcourent jusqu’à 350 kilomètres à bord d’un petit canot pneumatique pour rejoindre ces déserts de toundra aux allures post-apocalyptiques. Là-bas, le permafrost (terre gelée) fond sous l’effet du réchauffement climatique, dévoilant des cadavres d’éléphantidés laineux vieux d’au moins 14’000 ans. Les chasseurs les recherchent au petit bonheur la chance et malgré leur croyance que cela porte malheur.

Mais le jeu en vaut la chandelle. Depuis l’interdiction du commerce de l’ivoire d’éléphant en Chine, le prix de l’ivoire de mammouth a doublé : environ 1000 francs le kilo, soit 40’000 francs la défense de 40 kg. Les plus belles pièces sont sculptées en Chine pendant un an avant d’être revendues à plus d’un million de francs. « C’est très dommage qu’il n’y ait pas de réglementation précise sur cette ruée vers l’ivoire », déplore Bruno Maureille, directeur de recherche au CNRS, « Le permafrost raconte beaucoup de choses sur les espèces qui y ont vécu ».

Mais le commerce controversé du mammouth alimente une recherche encore plus controversée: le clonage d’espèce animale éteinte, dite la désextinction. Partant à la rencontre de scientifiques amateurs de ce courant, le documentaire « Genesis 2.0 » du Soleurois Christian Frei décrit l’impact qu’a eu la découverte de sang de mammouth.

Le mammouth qui saigne

En 2012, un cadavre complet de mammouth est découvert sur l’île de la Petite Liakhov par un groupe de chasseurs d’ivoire. Informé, Semyon Grigoriev, directeur du Musée du mammouth de l’Université fédérale du Nord-Est russe, se rend sur place avec une équipe pour libérer l’animal du permafrost. La bête a encore trois pattes, son tronc, sa tête, sa trompe, sa peau, ses poils, des tissus musculaires et… du sang. « C’était la découverte la plus extraordinaire de ces dernières années », estime Semyon Grigoriev, qui n’a pu résister à goûter la chair de l’animal.

De retour en Yakoutie, Semyon Grigoriev examine la carcasse durant quelques jours, avant de la recongeler pour éviter la décomposition des parties molles. L’animal est une femelle d’une cinquantaine d’années ayant vécu il y a 45’000 ans. Elle serait décédée après s’être embourbée dans une tourbière. Elle est surnommée Buttercup (Bouton d’or), du nom des fleurs trouvées dans ses intestins.

Bien décidé à la faire cloner, Semyon Grigoriev part, glacière sous le bras, en Corée du Sud, rencontrer le chercheur Woo Suk Hwang, spécialisé dans le clonage de chiens et accusé par le passé d’avoir recouru à la mafia russe pour obtenir des tissus de mammouth.

Redonner vie aux mammouths : le clonage

Pour cloner un mammouth, il faut récupérer une cellule vivante dans laquelle l’ADN est intact puis placer son noyau dans l’ovule d’un éléphant, à la place du noyau initial. Puis intégrer cet ovule fécondé dans un utérus. Le chercheur sud-coréen va tenter le clonage. Mais sans succès. L’ADN est trop déterrioré.

Semyon Grigoryev est décédé d’un arrêt cardiaque le 9 mai dernier, à l’âge de 46 ans. En 2018, il avait découvert un poulain vieux de 42’000 ans et avait alors priorisé le clone de ce cheval sur celui du mammouth, toujours avec l’aide du Sud-Coréen Woo Suk Hwang.

Le clonage de mammouth n’a pas été abandonné pour autant. Les scientifiques du partenariat russe, sud-coréen et désormais japonais pronostiquent une « renaissance » d’ici dix ans.

Mais le paléoanthropologue français Bruno Maurielle se montre sceptique : « Pour y parvenir, il faudrait une cellule exceptionnellement bien conservée, avec un ADN peu dégradé ». Le séquençage du génome du mammouth (obtenu en croisant les génomes de plusieurs mammouths) n’est lui-même pas encore complètement connu. En outre, rien ne dit que cela peut fonctionner : le mammouth et l’éléphant sont deux animaux bien distincts…

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