Des analyses inédites de glaces âgées de 2 millions d’années offrent des résultats inattendus
Depuis quelque 3 millions d’années, le système climatique alterne de façon régulière entre période glaciaire et période interglaciaire. Cette valse orchestrée par les fluctuations des paramètres astronomiques de la Terre couvre toute l’ère quaternaire – laquelle démarre il y a environ 2,6 millions d’années.
Un énigmatique changement de rythme
Toutefois, un changement structurel a marqué la dynamique des cycles glaciaires-interglaciaires il y a ~1,2 million d’années. En effet, ceux-ci sont devenus plus longs. Alors que la durée d’un cycle était initialement de 40~000 ans, elle est passée à 100~000 ans. Par ailleurs, l’intensité des périodes glaciaires s’est accentuée.
Cette période de bifurcation est nommée transition mi-pléistocène – MPT pour l’acronyme anglais. L’hypothèse avancée jusqu’à présent pour l’expliquer était la suivante.
On pensait que la transition était due à la baisse de long terme du taux de CO2 dans l’air. De sorte que la façon dont le climat a répondu aux variations cycliques des paramètres astronomiques a changé. En particulier, avec un CO2 plus bas, les périodes glaciaires sont devenues plus rudes. Aussi, il était moins aisé d’en sortir et le rythme des fluctuations a ralenti. Cependant, des mesures inédites effectuées sur de la glace antarctique âgée de plus de 2 millions d’années mettent en doute cette vision.
Les toutes premières analyses de glace bleue
Les échantillons prélevés sont originaires des collines d’Allan, à l’extrémité est de la chaîne trans-antarctique. Après plus de 2 années de travail, les résultats ont été publiés ce 30 octobre dans Nature.
Cette glace très ancienne est appelée glace bleue. Elle se trouve éparpillée par les mouvements internes à l’inlandsis et ne fournit donc pas un enregistrement continu. Néanmoins, les chercheurs ont pu en déduire des informations capitales quant au contenu de l’air en dioxyde de carbone, méthane, etc. avant la MPT.
C’est la première fois que l’on a un accès direct à ce qu’était la composition de l’atmosphère à cette époque. Plus précisément, les précédentes évaluations reposaient sur des estimations indirectes utilisant par exemple les sédiments océaniques. Il s’agit là d’un grand progrès car les données basées sur des éléments glaciologiques étaient jusqu’à présent limitées à 800 000 ans.
Une hypothèse à revoir
Les analyses indiquent que la teneur moyenne en CO2 était plus élevée avant la MPT et que les fluctuations entre périodes froides et chaudes étaient plus faibles. Il en va de même pour la température locale. Jusque-là rien de nouveau. Néanmoins, il s’avère que cette tendance est essentiellement le fait des phases glaciaires.
En effet, la teneur en CO2 et la température des phases interglaciaires n’ont pratiquement pas évolué. Ainsi, il est peu probable que le changement de périodicité ait été causé par une baisse graduelle du CO2. De futures recherches devront donc s’atteler à évaluer les autres causes possibles – comme l’influence dynamique des calottes glaciaires…