Fortes concentrations en substances chimiques retrouvées dans les glaces de l’Arctique
Ces substances se révèlent aujourd’hui tout aussi problématiques pour l’environnement, selon les scientifiques qui ont publié l’étude. « Le produit de dégradation issu de ces substances est peut-être aussi dangereux que les produits chimiques originels qu’ils sont censés remplacer », affirme la directrice du laboratoire canadien Ice Core de la Faculté des sciences de l’Université de l’Alberta, la docteure Alison Criscitiello.
À la fin des années 1980, le Canada a été signataire du protocole de Montréal, un accord international qui visait à protéger la couche d’ozone de l’atmosphère en éliminant graduellement l’utilisation de substances appauvrissant la couche d’ozone (SACO). Mais pour éliminer ces substances que l’on retrouve à la fois dans les procédés industriels et les produits de tous les jours destinés au grand public, il a fallu les remplacer par d’autres composants chimiques, dont on ne connaissait pas les effets à l’époque.
Il y a 3 ans, la Dre Criscitiello est allée récupérer des échantillons de glace pris dans deux endroits distincts du Nunavut : la calotte glaciaire Devon et le champ de glace du mont Oxford. Elle explique que les dépôts présents dans l’atmosphère ont atterri dans l’Arctique canadien, transportés par la neige.
Après avoir étudié cette glace, son équipe, composée de quatre scientifiques, conclut que le dépôt de ces substances chimiques dites « persistantes » s’accroît sur la période allant de 1986 à 2014. Une période qui correspond, selon Heidi Pickard, doctorante à l’Université Harvard et participante à cette étude, à la période à laquelle les « produits censés remplacer les CFC ont été utilisés »…
Déclencher des changements de comportement
« L’un de nos espoirs avec cette étude est qu’en montrant qu’il y a une forte concentration de ces composants chimiques dans l’environnement, notamment dans les zones nordiques isolées, qui ne sont pas proches des sources de rejet de ces produits, les scientifiques vont s’intéresser aux niveaux de toxicité », explique Heidi Pickard. Car les scientifiques l’avouent, même si leurs résultats sont préoccupants, il reste de nombreuses études à conduire pour comprendre le niveau de toxicité de ces composants et leurs possibles effets sur les humains et leur environnement. Leur travail n’est que la partie immergée de l’iceberg.
Les scientifiques s’inquiètent aussi de voir de nouveaux produits chimiques succéder à ceux déjà existants et polluants, puisque de nouveaux produits sont sans arrêt en train d’être créés par les industriels. Heidi Pickard espère que ses travaux puissent mener à resserrer la réglementation des produits chimiques, ce qui selon elle, ferait « une grosse différence dans le futur ». Même si elle sait que c’est un cercle vicieux. « Les régulations sur ces produits chimiques sont encore peu nombreuses, car il faut collecter de nombreuses données et cela prend des années aux scientifiques », avance Heidi Pickard…