Géopolitique. La bataille de l’Arctique a bel et bien commencé
Rune Rafaelsen voit les choses en grand, très grand. Il est le maire de Kirkenes, un petit port situé à l’extrême nord de la Norvège, à 400 kilomètres au-delà du cercle polaire. La ville est le terminus d’une ligne de ferrys qui longent quotidiennement la côte par des fjords pittoresques. Ses 3 000 habitants vivent à l’ombre d’une mine de fer qui a fait faillite en 2015. Kirkenes est surtout connue pour ses aurores boréales et ses crabes royaux, ces énormes crustacés dont les pattes sont aussi longues que des rames.
Cette bourgade enneigée est pourtant l’endroit dont M. Rafaelsen envisage de faire un “nouveau Singapour”, une étape cruciale sur la route commerciale qui reliera un jour les océans Pacifique et Atlantique par le toit du monde. Son projet peut sembler incongru. Mais avec la fonte des glaces qui, pour la première fois depuis des dizaines de milliers d’années, ouvre l’Arctique au reste du monde, cette région reculée et inhospitalière est l’une des dernières zones inexploitées à faire l’objet d’un conflit géopolitique majeur. Les grandes puissances mondiales, dont la Russie, la Chine et, dans une moindre mesure, les États-Unis et plusieurs autres pays se livrent une concurrence féroce pour pouvoir emprunter ses couloirs de navigation, exploiter ses vastes réserves minières et énergétiques et avoir une présence militaire dans ce secteur stratégique.
Tirer profit du réchauffement climatique
Les rêves de M. Rafaelsen pourraient donc être moins fous qu’ils n’en ont l’air, et cette petite ville isolée se retrouver au cœur d’une tempête d’intérêts, d’investissements, d’innovations et de luttes d’influence. Comme le souligne Mark Serreze, directeur du Centre des données sur les glaces, un institut de recherche de Boulder, dans le Colorado :
L’Arctique est devenu un endroit incroyablement attrayant où le changement climatique et la géopolitique sont inextricablement liés…