Géopolitique. L’Arctique ou les Arctiques ?
Quelle que soit l’évolution du climat dans les décennies à venir, l’Arctique restera une région à part, ne fût-ce que pour des raisons géographiques : le froid, l’éloignement, la nuit, l’existence d’une banquise hivernale, une nature hostile à l’homme, une faune spécifique, etc. Prendre cette partie de la Terre comme un tout se justifie pleinement, au point que l’Arctique s’insère peu à peu dans les relations internationales classiques. De fait, les politiques de puissance s’y exercent, les cinq États riverains (Canada, Danemark via le Groenland, États-Unis via l’Alaska, Norvège via le Svalbard, Russie) sont des acteurs géopolitiques de première grandeur. Par souci de simplification, l’Arctique concernera ici l’espace essentiellement situé au nord du cercle polaire, tandis que les dossiers stratégiques (défense) ne seront pas traités en tant que tel.
Mais, à mesure qu’il s’internationalise, l’Arctique se subdivise. Raison pour laquelle, et pour les besoins de la démonstration, on insistera sur les spécificités de chaque État, de chaque sous-région, de chaque approche thématique, quand bien même une étude transversale demeurerait indispensable. D’ailleurs, l’expansion en cours des techniques d’information et de communication (bientôt amplifiée par les réseaux de câbles sous-marins) et l’augmentation attendue des échanges économiques n’uniformiseront pas l’Arctique, dont quantité de caractéristiques sont à la fois remarquables et pérennes. Bref, « les Arctiques » sont de plus en plus présents sur la scène internationale.
La seule façon commode d’étudier le monde arctique est de le surplomber, c’est-à-dire de le regarder à la verticale du pôle Nord.
Certes, ainsi situé, on relève de grands facteurs d’unité, qui perdureront. Entre autres, le réchauffement climatique ; la fonte de la banquise estivale et du pergélisol (sol gelé en permanence) ; l’exploitation plus ou moins heureuse des routes maritimes (les deux passages du Nord-Ouest canadien et du Nord russe, outre la future route transpolaire estivale) ; le recours à la Commission des limites du plateau continental (ONU), même si elle n’émet que des recommandations ; le rôle du Code polaire, exigeant des navires et de leurs équipages des qualifications propres au-dessus du 60° de latitude ; l’absence de réelle végétation (toundra) ; les menaces qui pèsent sur une faune particulière (ours, poissons, oiseaux…) ; l’interdiction de pêcher au pôle Nord, protégeant une zone de 2,8 millions km² (moratoire de 2017) ; la proximité avec de grands centres économiques, car des villes peuplées entourent l’Arctique, alors que l’Antarctique (dépourvu d’ailleurs de populations autochtones) est particulièrement loin des agglomérations…
Lire la suite sur Diploweb