La Chine s’installe dans le Grand Nord canadien
Le gouvernement canadien va-t-il bloquer la vente de la mine de Hope Bay et de la société TMAC Resources Inc. à l’entreprise chinoise Shandong Gold Mining Co ? 97 % des actionnaires ont approuvé la vente pour 149 millions de dollars US. Or, avec cette mine viennent un aérodrome et un port. Ceux-ci pourraient permettre à la Chine de prendre pied au cœur de l’Arctique canadien et d’y mener des activités duales.
Les explications de Mikaa Mered, professeur de géopolitique des Pôles (Arctique et Antarctique) à l’Institut libre d’étude des relations internationales (ILERI, Paris), auteur des Mondes polaires (Puf, 2019) et expert-évaluateur auprès de la Commission européenne :
Cet achat chinois au Canada a une dimension stratégique. En quoi consiste-t-elle ?
En rachetant l’opérateur canadien TMAC, le groupe chinois Shandong Gold mettrait la main sur le site aurifère de Hope Bay, actif depuis 2017. Son exploitation est potentiellement très importante pour l’économie du Nunavut, qui a déjà généré 1,5 milliard de dollars canadiens d’investissement depuis trente ans. Malgré des voix appelant depuis janvier 2020 au rachat de TMAC par l’une des sociétés autochtones locales, seule SD Gold s’est manifestée et a trouvé un accord de rachat en mai. Depuis, la polémique fait rage car SD Gold est en réalité une société détenue et administrée directement par le gouvernement central chinois et mène désormais des opérations immobilières.
Quels sont les dangers induits par cette acquisition ?
Il y a deux dangers. D’abord, la polémique divise une fois de plus les populations locales favorables au rachat et le personnel politique d’Ottawa qui privilégie les considérations géopolitiques. Mais surtout, le véritable danger est que cette mine peut devenir un point d’ancrage territorial et logistique majeur pour la Chine au cœur même de l’Arctique canadien. En effet, la mine de Hope Bay, détenue à 100 % par TMAC, est en réalité un vaste terrain côtier de l’océan Arctique de 80 kilomètres de long sur 20 de large, soit seize fois la superficie de Paris. Le site dispose déjà d’un port, d’une centrale électrique, d’une piste de 1 525 m, d’un réseau routier et de tout le nécessaire pour bâtir une petite ville autonome. L’important dans ce rachat est bien plus l’opération immobilière que la mine elle-même. Après avoir échoué à acquérir des terrains en Norvège, en Islande et au Groenland depuis 2011, le gouvernement chinois, via SD Gold, pourrait enfin acquérir un vaste territoire au cœur du passage du Nord-Ouest et y construire des infrastructures stratégiques d’envergure en toute légalité et y mener des activités duales, civiles et militaires, en toute discrétion…
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