La Russie en Arctique, ou l’ironie d’un agresseur en charge d’une «zone de paix»
Il y a quelques années, en 2020, j’ai publié un article de recherche sur le rôle de plus en plus affirmé de la Russie aux abords du pôle Nord, dans cette région que l’on appelle le Nord circumpolaire. Quelques semaines plus tard, alors que je travaillais à Berlin en tant que postdoctorante à l’Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité (SWP), un diplomate russe m’a convoquée pour un tête-à-tête dans un restaurant russe.
Il a ouvert une mallette remplie de la plupart de mes articles imprimés, avec plusieurs passages surlignés, et m’a confrontée à chaque déclaration que j’avais faite qui n’était pas conforme au récit du Kremlin. « Pourquoi parlez-vous d’annexion de la Crimée dans ce chapitre? », m’a-t-il demandé.
C’est à ce moment que moi, Lituanienne née sous occupation soviétique jusqu’en 1991, à qui l’on a constamment demandé d’adoucir son ton « anti-russe » lorsque je vivais en Europe occidentale, j’ai eu la confirmation de la véritable nature de la culture politique de la Russie.
La diplomatie russe n’existe pas, les politiques sont appliquées par l’intimidation et le régime est prêt à utiliser tous les moyens pour atteindre ses objectifs. L’Occident devrait enfin se rendre compte que les ambitions de Moscou de restaurer l’influence impériale sont réelles et qu’aucun dialogue ne peut aboutir.
La militarisation d’une « zone de paix »
Tout en essayant de comprendre le caractère impitoyable et la brutalité de la Russie en Ukraine, il est essentiel de ne pas perdre de vue les régions situées au-delà de la zone de conflit actuelle. L’Arctique, où le littoral russe s’étend sur plus de 24’000 kilomètres, est l’une de ces régions.
Même si la présidence du Conseil de l’Arctique assurée par Moscou a été effectivement suspendue le 3 mars, le Nord reste une priorité stratégique essentielle pour le Kremlin.
Outre le développement d’infrastructures visant à tirer le meilleur parti des avantages économiques attendus de la route maritime du Nord et des vastes ressources rendues accessibles par la fonte des glaces, la Russie, depuis plus d’une décennie maintenant, militarise la région que Mikhaïl Gorbatchev a un jour qualifiée de « zone de paix » et que les spécialistes ont ensuite étiquetée d’« exceptionnelle », et à l’abri des conflits.
La politique arctique de Moscou, qui envisage son rôle comme celui d’une « puissance arctique de premier plan », mentionne explicitement le maintien de formations militaires dans la région comme l’un de ses principaux objectifs politiques…
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