La science en pole position
La glace, mémoire des climats du passé
L’anecdote est entrée dans la légende : c’est en mettant dans son whisky un glaçon vieux de plusieurs milliers d’années et en voyant s’en échapper des bulles d’air, que le glaciologue français Claude Lorius a eu l’intuition que les glaces accumulées en Antarctique depuis des centaines de milliers d’années pouvaient contenir des gaz témoins de l’atmosphère du passé. Nous étions au milieu des années 1960.
Depuis, la science des carottes de glace a pu établir ce qui fonde la climatologie moderne. Non seulement la glace contient la mémoire des climats du passé – température et concentration en gaz à effet de serre –, mais ces deux variables sont intimement liées : une augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère signifie un réchauffement inéluctable de la planète. « Grâce aux archives glaciaires, ces carottes extraites du plus profond de la calotte glaciaire antarctique, les scientifiques ont pu reconstituer le climat des 800 000 dernières années », raconte le glaciologue et directeur de l’Institut polaire français Paul-Émile Victor, Jérôme Chappellaz. Objectif, désormais : trouver les plus vieilles glaces du continent, les oldest ice, et remonter jusqu’à 1,5 million d’années dans le passé.
Les pôles, témoins du réchauffement global
Les pôles sont aujourd’hui les régions du globe qui se réchauffent le plus. C’est particulièrement vrai en Arctique, où l’on estime que la température augmente deux à trois fois plus vite que sur le reste de la planète. Les populations autochtones habituées à chasser le phoque sur la glace le savent bien, elles qui voient la glace de mer saisonnière se former chaque hiver un peu plus tard… Mais ce réchauffement des pôles n’impacte pas que les régions polaires. Débutée dans les années 1990, la fonte lente et inexorable de la calotte glaciaire du Groenland, deuxième plus grosse masse de glace terrestre après l’Antarctique, participe directement à la hausse du niveau de la mer partout sur la planète (contrairement à la banquise, constituée d’eau de mer gelée et flottant sur celle-ci, les glaciers terrestres, en fondant, ajoutent à la quantité d’eau dans l’océan, Ndlr).
Le réchauffement des pôles a surtout une multitude d’effets sur le climat global : courants marins, circulation atmosphérique…, sont fortement dépendants de ce qu’il se passe dans les régions froides. Les circulations profondes de l’océan en sont une bonne illustration. « Prenons l’exemple du Gulf Stream », intervient Marie-Noëlle Houssais, océanographe au Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques. « Ce courant chaud, qui garantit à l’Europe ses hivers doux, monte des régions tropicales vers les régions arctiques, où il se refroidit et se charge en sel (en se formant, la glace de mer rejette du sel dans l’océan, Ndlr). Devenu très dense, ce courant plonge au plus profond de l’océan et redescend lentement vers l’équateur. Mais le réchauffement de l’océan Arctique, provoqué notamment par la disparition progressive de la banquise, pourrait venir gripper ce mécanisme de tapis roulant »…
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Voir également le dossier complet rédigé par Laure Cailloce au sein de CNRS Le Journal, n° 304 de mai 2021 (version papier)