La stratification de l’océan Arctique impactée par le réchauffement climatique
Les eaux de l’océan Arctique sont naturellement stratifiées en fonction de leur densité et de leur salinité : en surface se trouvent les eaux froides issues du pôle, peu salines et pauvres en nutriments, alors que les niveaux plus profonds sont caractérisés par des eaux chaudes provenant des océans Atlantique et Pacifique, salines et riches en éléments nutritifs. La zone de transition entre la couche supérieure d’eau douce et la couche inférieure d’eau salée, plus dense, est donc définie par un fort gradient de salinité : on parle d’halocline.
Lien entre stratification, quantité de nutriments et productivité biologique
Cette stratification en deux niveaux relativement bien isolés l’un de l’autre a un impact important sur la circulation océanique, la couverture glaciaire, mais également sur la productivité biologique. Actuellement, on observe un affaiblissement de cette stratification dans le bassin eurasien (partie est de l’océan Arctique) et à l’inverse un renforcement de la stratification dans le bassin amérasien (partie ouest). La façon dont ces changements vont se poursuivre ou se modifier dans le futur est cependant encore peu contrainte.
Pour comprendre cette évolution et ses potentielles conséquences, des chercheurs américains de Princeton University ont eu l’idée d’observer les évènements climatiques du passé et leurs impacts sur la distribution des nutriments dans l’océan Arctique. Le degré de consommation des nutriments riches en azote présents dans les eaux de surface peut en effet être utilisé comme marqueur de la stratification océanique. L’azote représente le facteur limitant de la productivité biologique et notamment de phytoplancton : une consommation incomplète de l’azote indique que l’apport en nutriments est suffisant par rapport à la productivité biologique et reflète une faible stratification de l’océan, qui permet le flux des éléments nutritifs vers les eaux de surface. À l’inverse, une consommation complète de l’azote est le signe d’un déficit en éléments nutritifs, en lien avec une forte stratification océanique qui bloque les nutriments dans les niveaux profonds. Cette architecture des eaux est donc généralement associée à une faible productivité biologique, qui a lieu majoritairement en surface.
Évolution de la stratification de l’océan Arctique depuis 35.000 ans
Les résultats de l’étude, publiés dans Nature Geoscience, montrent que durant le dernier âge glaciaire, les eaux arctiques étaient faiblement stratifiées, avec un fort apport en nutriments en provenance de l’Atlantique.
La période de réchauffement climatique qui a suivi, débutant il y a 15.000 ans, a été quant à elle marquée par une fonte des glaces et donc un apport en eau douce important, résultant dans un renforcement général de la stratification de l’océan. De plus, l’inondation du détroit de Béring il y a 11.000 ans, a permis la connexion des océans Arctique et Pacifique. Cet événement a entraîné un important flux de nutriments et d’eau douce en provenance du Pacifique. Les sédiments analysés par les scientifiques montrent que cette période est caractérisée par une consommation complète des nitrates dans la partie ouest de l’Arctique, signe d’une forte stratification des eaux dans cette région. L’arrivée continue d’eaux peu salées par le détroit de Béring permet d’expliquer le maintien actuel d’une forte stratification dans cette partie de l’océan Arctique…
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