Recherches Arctiques

Actualités de la recherche scientifique
ISSN : 2755-3755

L’alarme du GIEC sur un océan en surchauffe

Publié le 26.09.2019 - Article de Martine Valo du 25/09/2019 sur Le Monde
Le premier rapport des scientifiques consacré aux mers et aux glaces prévoit un monde marin plus chaud, dilaté, plus acide, en manque d’oxygène et moins peuplé

Un monde marin plus chaud jusque dans les abysses, plus salé, moins riche en oxygène, plus acide, dépeuplé, qui se dilate et se gorge de glaces fondues. C’est ce qu’annonce le rapport spécial que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) consacre pour la première fois à l’océan et à la cryosphère (neige permanente, glaciers de montagne, calottes glaciaires, banquise, sols gelés). Ce document, rendu public à Monaco, le 25 septembre, est en réalité la chronique d’un immense bouleversement déjà à l’œuvre, avec son lot prévisible de catastrophes. L’incertitude porte sur l’intensité de ces dernières et la rapidité à laquelle elles vont survenir.

Non seulement les images de dévastation extrême, comme celles des îles des Bahamas après le déchaînement du cyclone Dorian, en septembre, risquent fort de devenir communes, mais c’est globalement un monde différent qui se dessine, avec des conditions environnementales inédites depuis des millions d’années, d’autres paysages, d’autres modes de vie pour des millions d’humains et beaucoup d’autres espèces habitant la terre.

La débâcle des glaces menace la stabilité du climat

Les 104 auteurs, des scientifiques de 36 pays qui ont référencé presque 7 000 publications dans ce document de plus de 800 pages, établissent le diagnostic implacable d’une planète en surchauffe. Le résumé pour les décideurs constitue une alerte de plus au sujet de l’emballement climatique, mais à la hauteur d’un milieu qui représente 71~% de la superficie du globe, 90~% du volume de l’habitat disponible pour les organismes vivants et contient 97~% de l’eau sur terre. La montée du niveau des mers, la migration des poissons vers des zones plus tempérées ou le dégel du pergélisol (sol gelé en permanence) sont des faits déjà observés. Mais rassemblé et mis à jour, cet état des connaissances scientifiques ne laisse aucun doute sur l’urgence à agir.

« Au-delà de 2050, tout va dépendre de nos émissions de gaz à effet de serre [GES], prévient Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et coprésidente du GIEC. Les réduire permettrait de gagner du temps pour nous adapter aux risques, dont certains, comme la montée du niveau des mers, sont inéluctables ».

New York veut construire des barrages contre l’Atlantique

Le rapport compare donc systématiquement les conséquences du scénario le moins alarmant établi en fonction de l’évolution des GES, mais aussi de la déforestation ou du type d’agriculture pratiqué, soit une élévation de la température moyenne de l’atmosphère de 1,6~°C par rapport à l’ère préindustrielle (scénario RCP~2.6), ou du scénario censé aboutir à 4,3~°C supplémentaires en moyenne (RCP~8.5), soit l’évolution actuelle, sans politique contraignante sur les émissions. Encore ces prévisions apparaissent-elles sous-estimées, car selon les modélisations du climat les plus récentes livrées par des scientifiques français, le 17 septembre, il faudrait ajouter jusqu’à 1~°C de réchauffement aux modèles actuels.

Au cœur du système climatique

L’océan, qui produit au moins la moitié de notre oxygène, redistribue d’énormes quantités de chaleur grâce aux courants qui le traversent et capte 20~% à 30~% du dioxyde de carbone généré par les activités humaines. « Il est pratiquement certain que l’océan mondial s’est réchauffé sans relâche depuis 1970 et qu’il a absorbé plus de 90~% de la chaleur excédentaire dans le système climatique », écrivent les rapporteurs. Autrement dit, sans lui, la température sur terre aurait déjà atteint des sommets. « Les prochaines estimations des scientifiques vont indiquer que l’océan absorbe 94~% de l’énergie interne à notre climat, ce qui dégage toujours plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère, modifie le cycle des nuages, des précipitations, intensifie les sécheresses, les pluies diluviennes, explique Sabrina Speich, professeure d’océanographie et de sciences du climat à l’Ecole normale supérieure. L’augmentation de la chaleur est exponentielle… On va dans le mur ! Si l’on continue à envoyer autant de CO2 dans l’atmosphère, on peut s’attendre à des guerres pour l’eau, pour la surface habitable, qui va se réduire… ».

De plus en plus chaud

Depuis 1993, le rythme de réchauffement de l’océan a plus que doublé par rapport aux vingt-cinq années précédentes. Entre 1971 et 2010, la couche des 75 premiers mètres a connu une augmentation moyenne de 0,11~°C par décennie. Dans les couches comprises entre 700~m et 2 000~m de profondeur, ce rythme a presque triplé. Il existe des disparités : en surface, l’océan Arctique se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Le rapport se penche sur les « canicules océaniques », responsables de la détérioration d’écosystèmes comme les forêts de kelp, ces grandes algues brunes qui abritent de nombreuses espèces. Ces vagues de chaleur se sont intensifiées et sont deux fois plus nombreuses depuis 1982…

En poursuivant votre navigation, sans modifier vos paramètres, vous acceptez l'utilisation et le dépôt de cookies destinés à mesurer la fréquentation du site grâce au logiciel Matomo. Pour plus d'informations, gérer ou modifier les paramètres, vous pouvez vous rendre sur notre page de politique de confidentialité.
OK
Modifier les paramètres