Recherches Arctiques

Actualités de la recherche scientifique
ISSN : 2755-3755

L’Arctique bientôt au cœur des tensions militaires

Publié le 29.10.2019 - Article de Guerric Poncet du 05/09/2019 sur Le Point
Ressources naturelles cachées, nouvelles routes de transport : le visage du monde va changer avec la fonte des glaces. Les puissances placent leurs pions...

Les 28 et 29 août, les ministres de la Défense européens se sont réunis à Helsinki, en Finlande. Au menu de leur première réunion : « Le changement climatique et ses impacts sur la sécurité et la défense », avec notamment un grand chapitre sur l’Arctique, région qui se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. Il est urgent de définir une politique européenne commune : le visage du pôle Nord, voisin de l’Europe, va changer dans les décennies à venir et ouvrir à la fois de nouvelles voies de transport et l’accès à d’importantes réserves de ressources naturelles. Pour le Vieux Continent, l’Arctique est crucial : outre la proximité géographique, 50 % des habitants de la région sont européens et 24 % des hydrocarbures consommés dans l’Union proviennent de l’Arctique.

En plus de ses conséquences cataclysmiques sur le climat planétaire, le réchauffement de l’Arctique va notamment réduire de 40 % le temps de trajet maritime entre Rotterdam et Yokohama, le port de Tokyo. La possibilité pour les militaires d’emprunter ces routes nouvelles va inévitablement créer des tensions. « Aux yeux de certains stratèges à Washington, cela pose problème : les États-Unis ont une tradition de contrôle des grandes voies de navigation dans le monde », explique Julien Tourreille, chercheur à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). « C’est d’ailleurs dans cette optique que Donald Trump a, très maladroitement, voulu racheter le Groenland au Danemark : cette île permet de contrôler une porte de l’Arctique et constituerait un premier rempart contre des menaces venues de Russie ou de Chine via l’Arctique », poursuit-il.

Du pétrole et des terres rares sous la glace

Malgré le potentiel explosif de la région, et donc le besoin de s’appuyer sur des partenaires fiables, toutes les alliances et amitiés traditionnelles entre États ne se retrouvent pas dans l’Arctique. Par exemple, Washington, qui n’a pas signé la convention de l’ONU sur le droit de la mer, considère que le passage du Nord-Ouest n’appartient pas au Canada et navigue dans ces eaux comme si elles étaient internationales, ce qui ne manque pas d’exaspérer Ottawa et les communautés inuites qui participent à la surveillance de la région.

Côté ressources, l’Arctique renfermerait tellement de réserves d’hydrocarbures que Michel Rocard, lorsqu’il était ambassadeur chargé des pôles, le qualifiait de « deuxième Moyen-Orient ». « Certaines prévisions estiment que 30 % des réserves de gaz et 20 % des réserves de pétrole non encore découvertes seraient localisées en Arctique », assure un document de synthèse publié fin août par le ministère des Armées. En outre, les sous-sols abriteraient des terres rares : ces métaux extrêmement chers sont indispensables à la fabrication de la plupart des appareils électroniques, comme les smartphones ou les téléviseurs.

Au-delà du Conseil de l’Arctique

Ces perspectives font rêver les gouvernements des pays concernés, tels que le Canada, le Danemark (Groenland), la Norvège, la Suède, la Finlande, l’Islande, les États-Unis (Alaska) ou la Russie, dont 10 % des investissements sont déjà concentrés sur l’Arctique. Mais les voisins proches, comme la France, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, ne manquent pas une occasion de réaffirmer leur présence. D’autres puissances mondiales plus lointaines, notamment la Chine, placent aussi leurs pions sur l’échiquier. Pékin se sent particulièrement menacée par la perspective de la mise sur le marché de tonnes de terres rares, matières premières cruciales qu’elle est aujourd’hui quasiment la seule à posséder. Et l’empire du Milieu souhaite contrôler au maximum les nouvelles « routes polaires de la soie », qu’elle considère comme une priorité stratégique de son développement.

Le Conseil de l’Arctique, qui réunit les pays arctiques et quelques observateurs, dont la France, n’a aucune compétence sécuritaire : il traite avant tout de coopération scientifique et culturelle. « En créant des relations entre les acteurs présents, il permet tout de même d’avoir de solides bases pour négocier de manière bilatérale ou multilatérale sur les enjeux de sécurité ensuite », estime Julien Tourreille…

En poursuivant votre navigation, sans modifier vos paramètres, vous acceptez l'utilisation et le dépôt de cookies destinés à mesurer la fréquentation du site grâce au logiciel Matomo. Pour plus d'informations, gérer ou modifier les paramètres, vous pouvez vous rendre sur notre page de politique de confidentialité.
OK
Modifier les paramètres