L’Arctique : Un océan du XXIème siècle ?
Les régions arctiques sont indubitablement parmi les régions du globe les plus vulnérables au changement climatique. L’augmentation des températures de l’air sur le dernier siècle y est plus de deux fois supérieure à la moyenne globale de la planète, conduisant à des changements spectaculaires et des effets délétères dans tous les milieux, y compris le milieu vivant, avec des impacts considérables sur les populations. Les changements subis par la cryosphère, qu’elle soit marine ou terrestre – fonte accélérée du Groenland, diminution du couvert de banquise, dégel du pergélisol – en constituent les témoignages les plus évidents. Par son implication dans des rétroactions climatiques mettant en jeu l’albedo de surface de la planète, la cryosphère est en même temps un acteur essentiel de l’amplification du réchauffement en Arctique. L’ampleur et la rapidité de ces changements ont pu être évaluées avec une précision croissante au cours des dernières décennies grâce aux satellites d’observation de la Terre dont certains offrent désormais une couverture répétitive et quasi-globale des régions polaires. On peut désormais quantifier plus précisément les variations non seulement de l’étendue de la banquise, mais aussi de son épaisseur, sa dérive, son âge et plus généralement sa nature. Grace à des mesures permettant d’accéder au bilan de masse et à la dynamique des calottes et glaciers, il est devenu possible d’estimer la perte de masse du Groenland et son accélération au cours des décennies récentes.
L’observation de l’Arctique : de drames en surprises …
Plus difficiles s’avèrent pourtant l’observation et le suivi des mers polaires, qu’il s’agisse de l’océan Arctique ou de ses bassins et mers bordières adjacents. Le couvert de banquise, de manière permanente ou saisonnière, fait écran à l’observation depuis l’espace et y rend difficile l’accès pour les navires de recherche. La géographie des mers arctiques est ainsi longtemps restée incertaine. L’une des cartes les plus anciennes de l’Arctique proposée par Gerard Mercator au milieu du 16ème siècle, proposait une vue fantaisiste de l’Arctique, constitué de quatre terres jouxtant le pôle et séparées par des bras de mer tumultueux entourant une mer intérieure libre de glaces. Ce mythe d’une « Polar Open Sea », introduit par le marchand anglais Robert Thorne le Jeune dans sa recherche d’une route commerciale vers la Chine, perdurera jusqu’au 19ème siècle ; étayé au cours des siècles par diverses thèses « scientifiques », l’une d’elles prétendant que l’eau de mer ne pouvait geler (Samuel Engel, Lausanne, 1765), il fut repris par le cartographe allemand August Petermann : l’apport de chaleur par les courants marins, plus précisément le Gulf Stream et son extension vers le nord, devaient empêcher la formation de glace de mer en Arctique. La découverte de ce chenal est alors devenue un objectif premier dans la quête du pôle Nord et, peu de temps avant sa mort en 1878, Petermann, en s’appuyant sur les recherches de l’hydrographe Silas Bent, l’identifie au grand courant du Pacifique Nord passant au large du Japon, le Kuroshio…
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