L’Arctique va-t-il réconcilier les États-Unis et la Russie ?
Alors que le pays de l’Oncle Sam semblait avoir abandonné ses ambitions dans la région face à une Russie ultra-dominatrice et une Chine en plein développement, il cherche à revenir dans le grand jeu géopolitique de l’Arctique. Avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces, « l’intérêt militaire et économique de la région augmente », explique Katarzyna Zysk, professeure et directrice de recherche au Norwegian Institute for Defense Studies d’Oslo. « L’ouverture de ce nouvel océan offre des opportunités qui doivent être sécurisées ».
Les déclarations du président américain ont un but bien plus large que le simple achat d’un territoire qui appartient au Danemark et Donald Trump n’est en réalité que le porte-parole d’une stratégie élaborée dans les couloirs du Pentagone. Plusieurs signaux ont marqué le changement de politique américaine: nouvelle stratégie pour la marine en Arctique en janvier 2019, nouvelle stratégie pour les gardes-côtes en avril 2019 et nouvelle stratégie interarmées dans la zone en juin.
Par ailleurs, explique Mikaa Mered, professeur de géopolitique spécialiste des pôles Arctique et Antarctique à l’Institut libre d’étude des relations internationales (Ileri) à Paris, les États-Unis ont opéré un « repositionnement de leurs capacités en zone arctique avec, dès 2017, l’organisation de nouveaux moyens pour se défendre contre les sous-marins en Islande ».
Urgence
Déjà propriétaires de Camp Century, une base militaire sur l’île polaire, les États-Unis cherchent à augmenter leurs capacités au Groenland pour s’implanter durablement en Arctique. Les stratèges américains souhaitent augmenter l’activité du pays sur la base aérienne de Thulé. Ils pourraient également vouloir « développer d’autres moyens sur d’autres sites. C’est là, je pense, qu’est le véritable end game de Trump », détaille Mikaa Mered. En se plaçant comme acheteur du Groenland, l’Amérique du Nord pourrait préparer le terrain pour obtenir une parcelle de terre ou des infrastructures afin de se développer.
Le pays de l’Oncle Sam chercherait à « utiliser, par exemple, l’aéroport de Narsarsuaq, le principal de l’île, pour leurs avions militaires », explique le chercheur. Il pourrait également ambitionner d’acheter l’ancienne base navale danoise, déjà mise en vente en 2016 par le gouvernement du pays mais retirée depuis « pour se prémunir contre un achat d’une société chinoise qui avait des liens avec l’État », précise l’auteur du livre Les Mondes Polaires, paru en octobre.
Pourquoi maintenant ? Parce qu’il « n’y a plus le temps, répond Mikaa Mered. Cela fait maintenant quinze à vingt ans que les États-Unis se désengagent de l’Arctique et cela commence à être problématique ». La Russie est devenue le maître du Nord-Est de la zone ces dernières années et n’a cessé d’y intensifier sa présence militaire. « Il est difficile de connaître précisément toutes les activités de Moscou dans la région, précise Katarzyna Zysk, puisque les Russes travaillent en partie très discrètement. Mais il est certain que Vladimir Poutine y mène une politique militaire de plus en plus expansive depuis une dizaine d’années »…