Recherches Arctiques

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ISSN : 2755-3755

Le chasseur inuit contraint de composer avec le climat, le tourisme et la pollution

Publié le 17.10.2023 - Article du 11/10/2023 sur GEO (avec AFP)
Cet été, une soixantaine, du simple voilier à l'énorme paquebot, ont fréquenté les eaux turquoises du village inuit d'Ittoqqortoormiit, à quelque 500 km de la colonie humaine la plus proche. Au tournant du siècle, il n'y avait quasiment pas de bateaux de croisière. Aujourd'hui beaucoup s'aventurent loin à l'intérieur du fjord

Pour chasser le narval, la « licorne des mers » de l’Arctique, le silence doit être absolu. A tel point que dans le détroit Scoresby, les Inuits interdisent à leurs enfants de jeter des cailloux dans l’eau glaciale.

La fenêtre est courte pour la chasse au cétacé dont la corne peut atteindre trois mètres de long : le plus grand fjord au monde, sur la côte est du Groenland, n’est libéré de ses glaces qu’un mois par an, pendant l’été arctique.

Initié par son grand-père, Peter Arqe-Hammeken, connait tout de l’art de la chasse en bateau au fusil et harpon du narval dont la viande est au coeur de la culture inuit. Mais la tranquillité indispensable à son activité est fréquemment troublée par les bateaux de croisière qui viennent naviguer entre les icebergs pour montrer aux touristes cette région encore miraculeusement sauvage.

« Il y a une semaine, des chasseurs essayaient d’attraper des narvals là-bas et deux bateaux se dirigeaient vers eux », s’agace Peter Arqe-Hammeken.

« Qu’ils débarquent en ville, c’est une chose. Mais qu’ils viennent là où on chasse, ce n’est pas bon ».

L’homme de 37 ans est inquiet : le bruit des bateaux effraie la faune et complique davantage la vie des chasseurs inuits, déjà en voie de disparition.

Réduction des terrains de chasse

« Les chasseurs vivent de la chasse ici. Ils ont des enfants, une vie… », lâche-t-il. Mais préserver un mode de vie traditionnel à Ittoqqortoormiit, 350 habitants, est de plus en plus difficile.

La population doit faire face aux effets conjugués du réchauffement climatique – en Arctique les températures grimpent quatre fois plus vite que la moyenne mondiale – et de l’activité humaine même lointaine.

Le narval s’y fait de plus en plus rare. Le réchauffement des eaux réduisant son habitat et sa nourriture, des scientifiques demandent aujourd’hui d’interdire la chasse de cette espèce vulnérable.

Les restrictions imposées depuis une vingtaine d’années et l’interdiction d’exporter sa défense torsadée n’ont pas suffi à enrayer la chute de sa population. Les prises de narval n’atteignent même plus le niveau des derniers quotas de 2021.

La fragilisation de la banquise complique la traque des phoques lorsqu’ils viennent respirer à la surface au travers des trous qu’ils construisent dans la glace. « La glace disparait beaucoup plus vite qu’avant. Jadis, il y en avait toujours en été », dit Jørgen Juulut Danielsen, enseignant et ancien maire du village.

Les Anciens narraient des histoires de chasses fastes à la sortie du village. Désormais, il faut s’enfoncer au fin fond du fjord pour trouver une proie. Tandis que la réduction des chutes de neige limite les déplacements en traîneau à chiens et la chasse au boeuf musqué l’hiver… « Il y a 30 ans, il y avait plein de chasseurs », dit Peter Arqe-Hammeken. « Aujourd’hui, il n’y en a que dix ou douze ».

Présence de polluants éternels dans la chaîne alimentaire arctique

Le narval, le phoque, l’ours polaire, « ce que nous chassons est fondamental pour notre culture », explique Mette Pike Barselajsen, responsable de l’office du tourisme d’Ittoqqortoormiit.

Rien ne pousse ici. Le village, l’un des plus isolés du monde, est habitué à vivre sans aide extérieure, son supermarché aux prix élevés n’est ravitaillé par cargo qu’une ou deux fois par an. Le produit de la chasse apporte à la population revenus, nourriture, habits.

Avec la peau de phoque on fait des bottes, avec la fourrure de l’ours polaire des pantalons portés l’hiver par les chasseurs et lors des cérémonies religieuses. Leur viande, comme le fameux muktuk à base de peau de narval, est un pan majeur de l’alimentation qui fournit les protéines nécessaires pour survivre aux longs mois de nuit polaire.

« C’est essentiel que cela provienne des animaux que l’on chasse ici », poursuit Mme Barselajsen. Mais en juillet, une étude du Lancet Planetary Health a montré que les Inuits d’Ittoqqortoormiit « qui ont l’habitude de consommer de la viande de phoque et d’ours polaire » avaient dans le sang un taux alarmant de PFAS (substances per et polyfluoroalkylés) susceptible de générer des problèmes immunitaires.

Des « polluants éternels« , massivement présents dans la vie courante (emballages alimentaires, textiles, pesticides…) qui viennent de loin, arrivés par voie atmosphérique et marine dans la chaine alimentaire arctique…

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