Recherches Arctiques

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ISSN : 2755-3755

Le nouveau visage de la sécurité dans l’Arctique

Publié le 27.07.2020 - Article de Marc Lanteigne du 28/06/2019 sur Nato Review
Au cours de l’année écoulée, l’Arctique a connu une série d’événements préoccupants touchant à la sécurité dans la région. Après plus d’une vingtaine d’années au cours desquelles le Grand Nord était largement considéré comme ne faisant pas partie des grandes préoccupations stratégiques « traditionnelles », la question de savoir si l’Arctique pouvait être considéré comme un domaine de concurrence militaire a refait surface.

Au cours des deux dernières décennies, l’Arctique était considéré comme une zone où la situation était peu conflictuelle. Dans son discours historique prononcé à Mourmansk en 1987, le dernier président de l’Union Soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, avait en effet appelé à prendre des mesures de consolidation de la paix pour réduire les tensions stratégiques dans l’Arctique. Et en 1996, le Conseil de l’Arctique nouvellement créé décidait, dans son document fondateur, d’exclure de son agenda les questions de sécurité.

Les huit membres du Conseil de l’Arctique (Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède, Russie, États-Unis) voulaient favoriser la coopération et la résolution des problèmes en commun dans l’Arctique, tout en reconnaissant que le Grand Nord possédait une géographie, une démographie et une économie tout à fait particulières. Malgré un refroidissement des relations entre la Russie et les États-Unis depuis le début du conflit en Ukraine en 2014, un accord tacite entre les membres du Conseil de l’Arctique a permis d’exclure de leurs débats, et de la diplomatie arctique au sens large, les préoccupations politiques et de sécurité non liées à l’Arctique.

La situation a cependant brusquement changé, en raison de deux facteurs principaux : tout d’abord, on constate que l’antagonisme des politiques des grandes puissances – en particulier entre la Russie et les États-Unis – s’immisce de façon croissante dans l’Arctique, alors que ces deux pays estiment que cette région devient de plus en plus importante pour leurs intérêts stratégiques. Ensuite, des États non arctiques s’intéressent de plus en plus aux affaires arctiques, en particulier dans la mesure où le Grand Nord s’ouvre davantage à l’activité économique. La Chine est peut-être le premier de ces États, mais les gouvernements d’autres pays non arctiques tendent également à s’intéresser davantage à l’Arctique, notamment le Japon, Singapour, la Corée du Sud, et plusieurs acteurs européens – la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne et le Royaume-Uni – ainsi que l’Union européenne dans son ensemble. Il est clair que l’Arctique est de moins en moins épargné par les préoccupations stratégiques internationales, et on peut donc se demander dans quelle mesure il ne faut pas considérer cette région comme un enjeu de sécurité internationale plutôt que régionale.

Questions environnementales et économiques

La « sécurité » dans l’Arctique était jusqu’à présent traitée dans des milieux non militaires, la question la plus pressante étant la sensibilité de la région au changement climatique, notamment l’érosion de la calotte glacière et l’altération des conditions météorologiques, qui affectent le tissu socioéconomique local et les populations autochtones. Le rapport historique publié en 2018 par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – qui décrit les conséquences que pourrait avoir à l’échelle mondiale une augmentation des températures de 1,5°C dans les années à venir – insiste sur le fait que l’Arctique sera la zone la plus touchée, et de nombreux débats autour du développement de l’Arctique sont centrés sur le changement climatique.

D’autres questions économiques et de sécurité environnementale sont apparues à l’ordre du jour des débats sur l’Arctique depuis quelques années, alors que la région devient plus accessible à la navigation commerciale et aux industries d’extraction (notamment de carburants fossiles), aux activités minières et à la pêche.

Tandis que des routes maritimes autrefois en sommeil se trouvent désormais libérées des glaces pendant des périodes plus longues, des questions de sûreté maritime telles que la recherche et le sauvetage, les incidents en mer et les codes de conduite pour le transit régional par les voies maritimes font l’objet de débats et d’accords, au premier rang desquels le « Code polaire 2017 », qui vise à réguler le transit des navires civils à la fois dans l’Arctique et dans les eaux au large de l’Antarctique. Pour répondre aux préoccupations concernant la surpêche dans la région maintenant qu’il devient possible d’atteindre des étendues d’eau libre de plus en plus vastes, une interdiction de pêche dans l’océan Arctique central est entrée en vigueur en octobre 2018 avec le soutien de l’Union européenne, de la Russie et des États-Unis, ainsi que du Canada, de la Chine, de l’Islande, du Japon, de la Norvège et de la Corée du Sud.

Actuellement, les forages pour l’extraction de carburants fossiles dans l’Arctique ne sont pas très importants, en raison des prix mondiaux de l’énergie relativement bas depuis cinq ans. Néanmoins, plusieurs projets, pilotés par la Russie, méritent d’être mentionnés, notamment le projet de gaz naturel liquéfié de Iamal, soutenu par des intérêts chinois et français, et l’émergence d’entreprises connexes. Les tentatives du gouvernement américain d’ouvrir le nord de l’Alaska aux forages offshore, au mépris des préoccupations environnementales et juridiques, n’ont jusqu’à présent pas abouti. Ces dix dernières années, le signal d’alarme a été tiré à plusieurs reprises à propos du risque d’une « ruée vers l’Arctique », de nombreuses entreprises cherchant à s’implanter dans la région à la recherche de ressources plus faciles à exploiter, même si on ne peut pas encore parler de véritable concurrence économique. Cela s’explique non seulement par les cours plus faibles de l’énergie depuis 2014, mais également par le fait que bon nombre des ressources en question ne peuvent pas être contestées car se trouvant bien à l’intérieur des terres et des eaux territoriales des États arctiques…

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