Le printemps des robots océaniques
Dans les mystères que l’océan doit encore livrer, un outil d’observation est particulièrement prometteur : le flotteur biogéochimique de profondeur, une classe de robots sous-marins, dont les capteurs peuvent recueillir des données biologiques et chimiques dans les eaux les plus froides et les plus agitées, tout au long de l’année. Cette prouesse technologique a incité les océanographes, notamment ceux du Laboratoire d’océanographie de Villefranche (LOV), à faire la lumière sur les conditions qui déclenchent une augmentation de la population de phytoplancton dans l’Atlantique Nord pendant l’hiver et qui favorisent leur floraison, quand ces algues marines microscopiques se mettent à se reproduire massivement. Si leurs résultats, présentés dans deux publications récentes, confirment certaines hypothèses, ils recèlent aussi quelques surprises.
Un allié clé contre le réchauffement climatique
Les océans figurent parmi nos principaux alliés dans la lutte contre l’effet de serre, en capturant et stockant le CO2 dans les profondeurs. L’Atlantique Nord, le long du 50e parallèle, constitue un puits de carbone particulièrement efficace, avec 20 % du CO2 absorbé par les océans alors qu’il ne représente que 1,5 % de la surface océanique de la planète. Deux mécanismes – l’un physique, l’autre biologique – expliquent l’impressionnante capacité de cette zone à absorber le carbone.
D’une part, le gaz carbonique se dissout plus facilement dans les eaux froides vigoureusement agitées par des vents forts. D’autre part, l’Atlantique Nord connaît les floraisons de phytoplancton les plus intenses au monde ; ces « explosions printanières » absorbent le CO2 par photosynthèse tout en nourrissant le zooplancton, cette faune marine minuscule qui assimile le carbone avant de le transporter au fond de l’océan, où il reste captif.
Les floraisons de phytoplancton jouent donc un rôle clé dans le processus de capture du carbone, mais le recueil des données les concernant n’est pas toujours aisé. Si les images satellites peuvent révéler les efflorescences par les changements de couleur de l’océan – « plus l’océan est vert, plus il contient de chlorophylle, révélant ainsi l’abondance de phytoplancton », explique Hervé Claustre, du LOV – une épaisse couverture nuageuse, « très fréquente dans les hautes latitudes en hiver et au printemps », peut entraver cette technique d’observation…