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ISSN : 2755-3755

Le « sang des glaciers », cette algue des neiges qui accélère la fonte des glaces

Publié le 29.01.2024 - Article de Chloé Durand-Parenti du 30/11/2023 sur Le Point et reportage sur CNRS Le journal
Des chercheurs français travaillent à percer les mystères de « Sanguina nivaloides », un micro-organisme qui vit dans la neige, des Alpes aux pôles, et dessine des motifs allant du rose au rouge vin

Parce qu’elle est interprétée comme un signe de mauvaise santé des glaciers, en montagne comme dans les régions polaires, l’algue microscopique surnommée « sang des glaciers » pâtit d’une mauvaise réputation. Pourtant, selon le biologiste Éric Maréchal, croiser sa route, au-delà de la ligne des arbres, là où ces derniers ne peuvent pas pousser, devrait être un émerveillement.

« C’est comme rencontrer un mammouth : cette algue nous vient probablement de la dernière glaciation, une époque où la neige recouvrait toute l’Europe », explique le directeur de recherche CNRS à la tête du laboratoire de physiologie cellulaire et végétale au CEA de Grenoble. Sur la neige qui recouvre de nombreux glaciers dans le monde, elle dessine des motifs, comme une calligraphie, allant du rose au rouge vin.

Le phénomène n’est pas récent. Aristote décrivait déjà ces neiges rouges d’une façon extrêmement précise durant l’Antiquité. On entend qu’elle gagne du terrain. « Cela reste à prouver, car elle peut facilement passer inaperçue et l’on y est plus attentif aujourd’hui qu’hier », explique le scientifique. Il faut dire que, si les neiges rouges ont passionné les savants du XIXe siècle, la science moderne les a longtemps délaissées. Pour preuve, l’algue microscopique qui les génère n’a reçu son nom scientifique, Sanguina nivaloides, qu’en 2019.

Dans le cadre d’un programme de recherche baptisé alpAlga, l’équipe d’Éric Maréchal, qui vient de publier les résultats de ses derniers travaux dans la revue scientifique Nature Communications, n’a de cesse de l’étudier. Une tâche compliquée du fait que, comme 80 % des micro-organismes connus, Sanguina nivaloides ne peut pas être cultivée en laboratoire. « Il nous faut donc l’étudier dans son environnement ou la prélever dans la nature, après quoi nous pouvons la conserver vive un an dans nos locaux ».

Comme dans un igloo

L’équipe a d’abord découvert que cette microscopique algue verte teintée de rouge – puisque, du point de vue de la botanique, elle appartient bien aux algues vertes, et non aux algues rouges qui sont uniquement marines – ne vit pas dans la neige dure mais plutôt dans l’eau que cette dernière contient. « Nous en sommes d’autant plus sûrs que, lorsque nous avons tenté de placer Sanguina dans un congélateur, elle est morte », indique le chercheur.

« Quand on l’observe avec des microscopes de terrain ou lorsque l’on fait de la tomographie aux rayons X sur de la neige que l’on conserve avec beaucoup de précautions, on voit que les algues se trouvent autour des cristaux dans une multitude de petits courants d’eau qui circulent à l’intérieur, à l’abri du vent glacial, comme dans un igloo ».

C’est la raison pour laquelle, dans les Alpes, on la trouve essentiellement de mai jusqu’en août, dans la neige fondante qui contient de 10 à 20 % d’eau. C’est aussi pour cela qu’elle est perçue comme un marqueur du réchauffement climatique même si ce n’est pas encore établi. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’elle accélère la fonte des glaciers polaires. « Parce qu’en colorant la neige elle diminue son albédo, c’est-à-dire sa capacité à renvoyer l’énergie solaire au lieu de l’accumuler. Des collègues allemands ont d’ailleurs montré que plus de 10 % de la fonte des glaciers au Groenland est liée à la présence d’algues », note Éric Maréchal…

Lire la suite sur Le Point et voir la vidéo sur CNRS Le journal (Production CNRS Image, Réalisatrice Sonia Collavizza, durée 6,41 min)

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