Les feux dans l’Arctique changent de nature, menaçant d’accélérer encore le réchauffement climatique
La pandémie de Covid-19 les a fait passer au second plan. Les mégafeux qui brûlent aux quatre coins de la Terre n’ont pourtant jamais été aussi massifs et impressionnants. En Australie, l’hiver dernier, jusqu’à 900 000 tonnes de fumées sont montées à l’altitude record de 31 km, menaçant la couche d’ozone. Sur la côté ouest américaine aussi les mégafeux se sont déchaînés, donnant une teinte orangée apocalyptique au ciel de San Francisco, digne du film Blade Runner 2049. Plus de 1,2 million d’hectares ont déjà brûlé cette année en Californie, contre 105 000 en 2019.
C’est dans le cercle arctique que la situation pourrait cependant être la plus inquiétante. Les températures y ont été particulièrement chaudes cet été, réduisant la banquise à son deuxième niveau le plus bas jamais enregistré, après celui de 2012. Le 20 juin dernier, on enregistrait 38°C à Verkhoïansk, en Sibérie, un record de chaleur au-delà du cercle arctique. Conséquence directe : les feux s’y sont multipliés. Au 24 août, ils avaient déjà relâché 245 mégatonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit 35% de plus que pour l’ensemble de la saison 2019, d’après les données du programme européen Copernicus.
« Feux zombies », feux voraces
Au-delà de leur augmentation en volume, c’est la transformation de la nature de ces feux qui inquiète aujourd’hui les scientifiques. Dans un article publié le 28 septembre dans la revue Nature Geoscience, des chercheurs britanniques et américains analysent deux évolutions majeures dans le comportement de ces feux. « Ce n’est pas seulement le taux de zones brûlées qui est inquiétant. Nous avons observé d’autres tendances dans les données satellites qui montrent que le régime de feu dans l’Arctique est en train de changer et ce que cela signifie pour notre avenir climatique », annonce dans un communiqué Merritt Turetsky, l’un des co-auteurs de l’étude, spécialiste de l’écologie du pergélisol à l’université du Colorado.
Première tendance : la multiplication des « feux zombies ». Il s’agit de feux qui, semblant éteints en surface, continuent de se consumer de manière souterraine pendant l’hiver dans la tourbe riche en carbone du pergélisol sibérien. Avec le retour de la chaleur et du printemps, ces feux sont prêts à repartir de plus belle en surface.
Ce phénomène se combine à une deuxième tendance récente : les feux se mettent à brûler dans des zones censées être résistantes au feu. Des arbustes nains, des carex, des herbes, mousses et tourbes de surface ne sont normalement pas considérés comme du combustible. Mais le réchauffement les rend plus chauds et secs, de même que certains paysages humides comme les tourbières et les marais qui deviennent ainsi vulnérables aux feux. « Les feux arctiques brûlent plus tôt et plus loin au nord, dans des paysages auparavant considérés comme résistants aux feux », souligne Jessica McCarty, géographe et spécialiste des feux à l’université de Miami, autre co-auteure de l’étude, pour laquelle les chercheurs ont analysé les données satellites pour observer les feux sibériens en 2019 et 2020.
Emballement climatique en vue
Les scientifiques craignent que cette progression des feux sibériens ne soit délétère, d’abord au niveau local. En accélérant la fonte du pergélisol – les sols gelés en permanence sous ces latitudes – ces feux pourraient provoquer des affaissements, inondations et d’autres phénomènes étranges comme l’apparition de cratères géants. Autant de perturbations nuisibles aux populations locales et à leurs moyens de subsistance.
Plus inquiétant encore, ces feux ont aussi des conséquences à l’échelle globale. Car en accélérant la fonte du pergélisol, ils accélèrent aussi la libération des puissants gaz à effet de serre qu’il contient…
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