Les feux zombies, à l’origine d’une saison d’incendies catastrophique en Arctique
Si les incendies de forêt en Sibérie, au sud de l’Arctique, ne sont pas des phénomènes exceptionnels, la saison des feux a toutefois démarré cette année avec deux mois d’avance et a été d’une ampleur sans précédent. Dans un article publié dans Nature Geoscience, des scientifiques américains et britanniques s’interrogent : cette année est-elle une anomalie ou assiste-t-on à la mise en place d’un nouveau régime d’incendies, 2019 ayant déjà été catastrophique ? Deux nouvelles caractéristiques du phénomène ont en effet été identifiées, la prévalence des « feux zombies » et l’apparition du feu dans des paysages censés être ignifuges.
Des feux couvent en profondeur dans la tourbe
Les feux zombies sont les vestiges invisibles et souterrains d’une saison précédente d’incendies. Si celle-ci est éteinte en surface, des feux couvent en profondeur dans la tourbe riche en carbone durant tout l’hiver, parfois pendant plusieurs années. Au printemps, lorsque le temps se réchauffe, ils peuvent se rallumer en surface. L’analyse d’images satellitaires a ainsi permis de montrer que les départs de feux constatés immédiatement après la fonte des neiges au printemps se superposaient à l’empreinte des incendies de 2019 ! « Ce type d’incendie est globalement mal connu, expliquent les auteurs, notamment pour ce qui est de leurs impacts sur la combustion ou les émissions de gaz à effet de serre et d’aérosols dans l’atmosphère ».
Mais si ces incendies se multiplient, s’étendent en surface et en profondeur, générant d’importants panaches de fumées, « cela représenterait une forte rétroaction dans le régime des feux de l’Arctique, qui doit être prise en compte par les modèles du système terrestre », poursuivent les auteurs. Autrement dit, les nouveaux incendies, déclenchés ou pas de manière naturelle, pourraient être les germes d’autres incendies l’été suivant, etc. Soit un effet cumulatif qui conduirait à des embrasements de plus en plus étendus et à long terme.
Ce qui se passe en Arctique a et aura des conséquences climatiques mondiales
Les chercheurs ont par ailleurs été surpris par l’apparition inédite d’incendies bien au-dessus du cercle polaire, des régions dont la flore résiste d’ordinaire bien au feu. Mais à mesure que les températures s’élèvent aux hautes latitudes, le feu consume désormais la végétation asséchée : arbustes nains, carex, herbes, mousses ou tourbes de surface. Les paysages humides comme les tourbières, les fens (tourbières riches en minéraux) et les marais s’embrasent à leur tour. « Les incendies de 2020 sont inhabituels en ce que plus de 50% des incendies détectés au-dessus de 65°N se sont produits sur un pergélisol à forte teneur en glace », notent les auteurs. « On considère que le pergélisol riche en glace contient les sols les plus riches en carbone de l’Arctique et leur combustion peut accélérer le dégel et les taux d’émission de carbone », ce qui aggraverait les boucles de rétroactions climatiques…
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