Les lacs de l’Arctique, nouveaux émetteurs de carbone
Sur une bande d’environ 150 kilomètres entre les limites de la calotte glaciaire et la mer du Labrador, se trouvent des centaines de petits lacs qui, jusqu’à récemment, étaient recouverts de glace pratiquement à l’année longue. Au fur et à mesure que le climat s’est réchauffé dans les dernières décennies —plus vite dans l’Arctique que partout ailleurs dans le monde— ces lacs ont vu leur « été » s’allonger : ils dégèlent en moyenne une semaine plus tôt et gèlent 11 jours plus tard, selon une estimation publiée en 2021 par des chercheurs de l’Université York, à Toronto.
C’est suffisant pour libérer une partie du carbone emprisonné dans le sol gelé du fond de ces lacs depuis des siècles, voire des millénaires. Quelle partie ? C’est la question que s’est posée l’écologiste Václava Hazuková, de l’Université du Maine, entre autres chercheurs.
Parce que de la réponse à cette question dépend la vitesse à laquelle le cycle du carbone de ces lacs sera perturbé, pas seulement au Groenland mais dans l’ensemble de l’Arctique : c’est-à-dire le cycle naturel par lequel, d’une part, les microbes aquatiques décomposent la matière organique et émettent du dioxyde de carbone et d’autre part, d’autres bestioles —le phytoplancton— construisent leur squelette avec ce carbone, émettant de l’oxygène. Les lacs, pendant des siècles, ont été des puits de carbone : une plus grande quantité restait enfouie au fond de l’eau que la quantité qui était émise dans l’atmosphère.
Et les recherches sur les impacts écologiques du réchauffement dans l’Arctique se sont bien davantage concentrées sur les sols et la végétation que sur la vie aquatique. Les estimations du « budget carbone » sont donc pour l’instant incomplètes : mais les observations sur le terrain, notamment dans l’Arctique canadien, convergent pour suggérer que ces écosystèmes sont en train de changer très vite. Reste à le vérifier par des instruments laissés sur place et des données qu’il faut pouvoir récolter sur plus d’une année.
Dans l’ouest du Groenland, dès 2019, une équipe de l’Université du Maine estimait que les lacs commençaient à dégeler une semaine plus tôt qu’il y a un siècle. La chercheure principale, Jasmine Saros, estime aujourd’hui que « la variabilité a augmenté » : autrement dit, l’écart s’élargit entre le maximum de couverture glaciaire pendant une année et le minimum. Et les pluies ont été abondantes, contribuant certainement à libérer davantage de ce carbone emprisonné dans ce sol qui n’est plus du pergélisol —un sol jadis gelé en permanence…
Lire la suite sur l’Agence Science-Presse