L’expédition Fram a-t-elle atteint le pôle Nord ?
En février 1890, le Norvégien Fridjof Nansen dévoile son ambition un peu folle : s’approcher au plus près du pôle Nord en se laissant dériver avec la banquise durant plusieurs années. Cette annonce fait grand bruit et est loin d’obtenir les suffrages de la communauté des explorateurs, qui traitent Nansen de fou et d’inconscient. Et pour cause, les précédentes tentatives d’exploration du bassin polaire arctique se sont soldées par des échecs, les navires finissant soit broyés par la glace, soit emportés vers le sud par le courant océanique dominant la région. Mais Nansen a bien analysé la situation. L’erreur des précédents explorateurs a été d’aborder la banquise arctique trop à l’ouest, dans les régions où le courant porte déjà vers le sud.
Toute tentative d’exploration de la banquise en traîneau était également vouée à l’échec, la dérive de la glace repoussant continuellement les hommes vers le sud. Fort de ce constat, Nansen met donc au point un plan ambitieux. Au lieu de lutter contre le courant, il prévoit de l’utiliser. Le lieu de départ de l’expédition doit donc se situer le plus à l’est possible, au niveau de la Nouvelle-Sibérie. Le navire progresserait alors aussi loin que les courants et les températures le permettent vers le nord, puis se laisserait prendre par les glaces et emporter par la dérive de la banquise en direction du nord-ouest. Un projet somme toute simple… en théorie.
Le voyage du Fram : un navire conçu pour résister à la pression des glaces
En pratique, Nansen a bien conscience de la difficulté d’une telle expédition. En premier lieu, il lui faut un bateau capable de résister à la pression de la glace. L’explorateur conçoit ainsi, à l’aide de l’ingénieur norvégien Colin Archer, un petit navire atypique : court mais large, aux formes très arrondies et aux surfaces uniformes. Le navire, baptisé Fram, ce qui signifie « en avant » en norvégien, est agrémenté d’une bonne isolation thermique, d’une éolienne et d’un moteur permettant de générer de l’électricité, ainsi que d’un poêle à pétrole. Nansen et son équipage en auront besoin pour survivre à ces hivernages au milieu d’un environnement gelé. De nombreux instruments scientifiques rejoignent par ailleurs l’expédition, car celle-ci n’a pas pour seul but d’explorer un nouveau territoire. Nansen prévoit de documenter le plus précisément possible cet environnement arctique largement inconnu.
Le 21 juillet 1893, le Fram quitte les côtes norvégiennes avec treize hommes à son bord. Il rejoint Kabarova sur la côte russe, où l’équipage fait embarquer une meute de trente-quatre chiens de traîneau. Puis le Fram lève l’ancre en direction du nord. Début août, le bateau arrive en mer de Kara, où les glaces commencent à rendre la navigation difficile. Mais ce n’est qu’au nord de l’archipel de la Nouvelle-Sibérie que le défi se fait réellement ressentir. Le 23 septembre, le Fram, qui se trouve au-delà de 78° nord, est pris par les glaces qui s’épaississent rapidement. Il fait -13 °C. C’est l’heure de vérité pour le navire. Et force est de constater que sa conception est particulièrement bien adaptée à la situation.
De longs mois de dérive passive attendent désormais l’équipage, qui n’est pas pour autant inactif. Le Fram, converti en confortable quartier d’hiver, remplit totalement sa fonction et les hommes peuvent s’atteler aux diverses activités scientifiques qui les attendent. La position du navire est déterminée astronomiquement tous les deux jours et les données météorologiques, soigneusement relevées. L’équipage ne manque de rien : fromage, pain, boissons, biscuits, légumes verts, sans compter la viande et le poisson issus de la chasse et de la pêche. Mais les mouvements de la banquise sont capricieux. Au bout d’un mois de dérive, le Fram se retrouve à son point de départ. À l’extérieur du navire, l’hiver s’intensifie et le paysage se transforme en un enfer gelé, plongé dans la nuit polaire…
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